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17/9/09 | Michel de Poncins |
Les agriculteurs français ne peuvent pas s’en sortir parce que chacun d’entre eux fait vivre un frère jumeau ! Le malheur et la révolte des agriculteurs ne sont pas des faits nouveaux
et se reproduisent inlassablement en boucle sur eux-mêmes. Tout récemment il
y a eu le lait et la pêche avec des manifestations très violentes, puis de
nouveau le lait. Sur des années, la France, qui dispose de tout ce qu’il
faut pour produire des fleurs, a vu disparaître la plupart de ses
productions de fleurs, et d’ailleurs sans beaucoup de manifestations : ce
fut un étranglement silencieux. Voici donc l'occasion, une fois de plus, d’énoncer sur les problèmes
agricoles la vérité que les médias officiels cachent soigneusement. Les producteurs de fruits et légumes reçoivent des aides nationales et
nous allons parler plus loin de la justification ou non de ces aides. Quoi
qu'il en soit, Bruxelles a exigé de la France que les producteurs
remboursent une partie des aides nationales qu'ils ont reçues entre 1992 et
2002. La facture adressée par dictature bruxelloise à la France s'élève à
338 millions d'euros auxquels il faut ajouter les intérêts de retard compris
entre 100 et 150 millions, soit un total d’environ 500 millions d’euros. Un
dernier recours à la Cour européenne serait possible, mais il durerait au
moins deux ans avec le risque d'aggraver la facture. Il est évident que cette demande est odieuse et ne peut être supportée
par des producteurs déjà pris dans un étau entre la baisse des prix et le
coût excessif de la main-d’œuvre. Le ministre, Bruno Le Maire, s'est engagé à lancer la procédure de
recouvrement dès la rentrée ; en effet la France a accepté depuis longtemps
de perdre son indépendance vis-à-vis des fonctionnaires de Bruxelles.
Comment va faire ce ministre pour lancer la procédure de recouvrement ?
Quels soldats va-t-il dépêcher pour brûler la plante des pieds des
récalcitrants ruinés ? On imagine la douleur de ces agriculteurs qui n'exercent plus librement
leur beau et vieux métier et sont transformés en chasseurs de primes. Ils
avaient pourtant bien «chassé », et les voilà placés devant l'exigence d'un
remboursement, ceci dans une incertitude juridique totale. Pendant ce temps,
les ministres successifs, co-responsables de l’erreur tragique, continuent à
se partager allègrement le butin public lors des remaniements ministériels
permanents. Cette horreur fournit l’occasion de traiter en profondeur de la politique
agricole, qu'elle soit nationale ou commune (PAC). D'abord mentionnons les divers mensonges en vigueur. Il nous est dit que la profession agricole aurait besoin d'aides : c'est
un pur mensonge. Aider une activité quelle qu'elle soit c’est, par
définition, la tromper et l'empêcher de s'adapter aux conditions du marché.
Dans le cas particulier, si la presse proclame qu’il y a besoin d’aide,
c’est parce que cette presse cache volontairement l’existence du frère
jumeau. Chaque agriculteur entretient par force un frère jumeau travaillant dans
les bureaux dans des conditions de confort que lui-même, agriculteur, ne
connaît pas, un frère jumeau qui fait ses 32 heures hebdomadaires avec des
espoirs de retraite mirifiques par rapport aux retraites misérables des
vrais agriculteurs. Pour arriver à ce calcul du frère jumeau, il ne faut pas se contenter des
fonctionnaires du ministère de l'agriculture, qui ne forment qu’une goutte
d’eau dans le drame. Il faut ajouter tous les fonctionnaires dans les
régions, les départements, les mairies, etc. Il faut tenir compte de la
cohorte glorieuse des eurocrates, des onucrates, sans oublier la FAO,
organisme qui, malgré son titre, ne sert surtout pas à lutter contre la
faim. Enfin, il est nécessaire d’englober la vraie jungle des organismes qui
sont censés défendre les agriculteurs et qui en fait s'enrichissent sur la
bête par les prélèvements insupportables qu'ils infligent à la profession.
Beaucoup de ces organismes disposent par la loi du droit extraordinaire de
prélever des taxes parafiscales sur les professionnels, taxes qu’ils
attribuent ensuite à leur guise, les contrôles officiels étant pratiquement
nuls. Ces organismes ont inventé même la « CVO ». Pour ceux qui ne
connaissent pas la signification de ce sigle, la voici : « cotisation
volontaire obligatoire ». Aucun romancier, même le plus imaginatif, n'aurait
pu penser qu'un tel monstre administratif puisse exister ! Mais si, mais si
: c'est à placer dans la "chronique des aveux". C'est un autre mensonge que de dire que les organismes agricoles, qui
font souffrir les agriculteurs comme indiqué plus haut, les défendraient
contre les pouvoirs. En fait, dans leurs bureaux dont le luxe est
incroyable, ils font partie, des puissants et ils livrent des combats
d'arrière-garde pour aménager la catastrophe et pas du tout pour l’endiguer.
Ils n’ont aucun intérêt à ce que la situation des agriculteurs s'améliore
car leurs dirigeants et l'ensemble de leur personnel perdraient leurs
magnifiques salaires ainsi que leur statut. Jean-Michel Lemétayer est
président de la FNSEA, le navire amiral de la formidable armada des
organismes agricoles. Il vient d’écrire un article dans Le Figaro
pour glorifier la politique agricole et justifier la prétendue nécessité des
subventions. De nombreux rapports de la Cour des Comptes ont montré le désordre
complet qui règne dans ces innombrables organismes agricoles, avec très
souvent des pratiques tout à fait critiquables sur le plan de l'honnêteté,
c’est-à-dire des transferts indus en faveur de certains dirigeants ; ils
citent des salaires parfaitement extravagants. Ne pouvant m’arrêter à tous les faits dans ce royaume d’absurdie, je mentionnerai seulement, pour « distraire » le lecteur, un chapitre concernant l’ANDA, qui est un organisme censé faire de la recherche. Voici l’un des objectifs fumeux de cet organisme : « Actions collectives de développement en vue d'associer les
agriculteurs à la recherche appliquée, de diffuser dans les milieux
agricoles les connaissances nécessaires à l'amélioration des techniques de
production et de gestion ainsi que des conditions de vie, afin de donner à
tous une connaissance générale des problèmes techniques, économiques et
sociaux de l'agriculture » ! Autre mensonge lu dans la presse : la crise des fruits et légumes
viendrait de la politique « ultralibérale » de Bruxelles. C'est tout à fait
le contraire : Bruxelles, en réglementant jusque dans le plus petit détail
le travail des agriculteurs, fait preuve de pratiques parfaitement
dirigistes. Autre mensonge : la recherche de l'égalité. Les journaux écrivent
benoîtement que la filière des fruits et légumes réalise 16 % des ventes
agricoles et reçoit seulement 3 % des aides européennes. Nous touchons du
droit le mensonge de toute pratique socialiste qui veut absolument réaliser
la chimère de l'égalité avec pour résultat de ruiner tout le monde. Enfin dernier mensonge : si le malheur vient de la politique agricole
commune (PAC), cela ne tiendrait pas à son existence même, mais à des
erreurs que l'on pourrait corriger. C'est une contrevérité grave : l’erreur
de base est l’existence d’une politique agricole publique, qu'elle soit
commune ou nationale. La politique industrielle a détruit l'industrie
française et la politique informatique a détruit l'informatique française ;
le même phénomène se produit en agriculture. Les faits étant rappelés, ainsi que divers mensonges, quelles sont les
explications ? L'agriculture ne se distingue pas de tous les autres métiers. Elle a ses
particularités comme celle d'être proche de la nature et d’être tributaire
des éléments, dont le climat. Elle n’est pas la seule dans les activités
humaines à avoir ces caractéristiques et doit simplement en tenir compte. La
réglementer à partir d'un gouvernement ou encore mieux d'une Commission
européenne qui règne dans les nuées de l'Olympe est une vue de l'esprit.
Quand il s'agit de biens aussi périssables que les fruits et légumes, il
faudrait être un « deus ex machina » pour y arriver. Trois dictateurs à
Bruxelles règnent sur le lait dans toute l’Europe, avec des milliers
d’exploitants qu’ils traitent comme des esclaves, leur dictant les prix, la
façon de travailler, la qualité du lait, etc. Il nous est dit que le prix de la main-d'oeuvre écrase les agriculteurs.
Ce qui les écrase en vérité, ce sont les impôts et charges insensés auxquels
ils sont soumis, notamment pour entretenir leur frère jumeau travaillant
dans les bureaux, et dont ils n'ont nul besoin. N'était cette charge
insupportable, les agriculteurs auraient tous les moyens de se gérer
eux-mêmes dans leur totale responsabilité avec les organismes qu’ils
créeraient librement et qu'ils surveilleraient eux-mêmes. Les réglementations exercent des ravages aussi perturbateurs que les
impôts et les charges. Un agriculteur passe peut-être la moitié de son temps
à gérer les primes et à comprendre les réglementations perpétuellement
changeantes. Le propriétaire qui veut s’installer agriculteur sur sa propre
terre doit franchir un véritable parcours du combattant pour y arriver, avec
à la fin le préfet qui lui indique comment faire ! Il s'ajoute un gaspillage du temps absolument phénoménal. Pendant longtemps la mode était à la culture productiviste, qui a reçu
des subventions fabuleuses, surtout en direction des plus riches céréaliers.
La tendance maintenant est à l'élevage, ce qui implique qu'on s'est trompé
pendant de longues années avec toutes les conséquences économiques et
financières que l'on peut imaginer. Si les cultures n'étaient pas soumises à
la véritable dictature que les agriculteurs acceptent, ils s'adapteraient
fort bien et au jour le jour à tous les changements sur le marché au lieu
d'attendre des années avant de se corriger. Depuis peu, de l’argent public se déverse sur les produits bio : cela
signifie sans doute qu'on s'est trompé pendant longtemps en les négligeant.
Il n'empêche qu’une étude britannique vient de s'apercevoir que la culture
bio n'offrait finalement aucun avantage marquant pour la santé humaine : à
quand, pour corriger tout cela, la prochaine invention des bureaucrates au
pouvoir ? Pour illustrer le propos, rappelons que la Nouvelle-Zélande a pu sortir
du socialisme qui ruinait son économie. C'était d'autant plus méritoire que
le ministre des finances, Roger Douglas, auteur de la réforme appartenait au
parti travailliste et donc a dû réaliser avec ses amis une vraie
reconversion intellectuelle. L'agriculture, notamment, vivait pour un tiers
de subventions et s’en mourait en silence. Elles ont été supprimées d'un
seul coup et l'agriculture est devenue très vite prospère grâce à la liberté
retrouvée des agriculteurs qui ont pu gérer avec efficacité leurs affaires.
Dans la crise actuelle, il n’y a hélas aucune chance que la libération
nécessaire de l’agriculture se produise : les énarchos-gauchos au pouvoir ne
sont pas formatés pour cela et n’y trouveraient aucun intérêt personnel, car
leur richesse vient précisément de leur aptitude à gérer la jungle des
réglementations qu’ils augmentent sans arrêt. La probabilité est qu’après s’être couché devant Bruxelles, le pouvoir va
subir des manifestations violentes et cherchera à éteindre l’incendie qu’il
a lui-même laissé s’allumer. Les pompiers pyromanes enverront des Canadairs arroser d’argent public les paysans en juste colère. L’argent ramassé à la hâte par les Canadairs dans la rivière argentée des
impôts ira asphyxier quelque part les quelques industries et activités qui
résistent encore courageusement aux assauts meurtriers des gouvernements
successifs. Michel de Poncins
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