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19/5/09 | Michel de Poncins |
Qui confierait sa santé à un préfet,
même s’il officie avec sa belle casquette ? Un martien qui débarquerait par hasard dans la « République fromagère »
(R.F.) se livrerait à d'étranges constatations. Il observerait le nombre et
la puissance des mammouths qui écrasent l'économie française. Sauf erreur ou
omission, les principaux sont les suivants : éducation nationale, sécurité
sociale, hôpital public, lequel est fortement lié au précédent, et
collectivités territoriales. Il en est certainement d'autres, mais les
quatre mammouths précités expliquent à eux seuls, par leur puissance et
leurs liens inextricables, la dégradation de l'économie française. Malgré
les explications officielles sur la chute du PIB, ils l’expliquent bien plus
que la présumée crise. Sur le dos des mammouths se trouve un nombre immense de parasites
représentés par les hommes de l'État, ceux que je désigne comme les « Hifis
». Ceux-ci se nourrissent, ô combien largement, du sang des mammouths qui
est en fait le sang du peuple français. Ils dirigent les mammouths de façon
solidaire et fabriquent de ce fait l'information par presse interposée.
D’eux-mêmes et individuellement, il n’est aucune chance qu'ils détruisent
les mammouths. La destruction ne peut venir que d'un événement majeur et
extérieur à ces prédateurs. L'hôpital public est l’un des mammouths qui remplit les médias depuis plusieurs mois. L’analyse objective des événements le concernant s'applique en fait à tous les camarades mammouths. Les journaux, lors des dernières fêtes de fin d’année, étaient pleins de
l’état calamiteux des hôpitaux publics. Des patients ont souffert gravement
au niveau des urgences et un bébé est mort d’une simple « erreur de
manipulation ». Les grèves ainsi que les protestations n’ont cessé de
s’amplifier depuis dans les milieux médicaux et para-médicaux. Heureusement, Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, s’est déclarée
à l’époque satisfaite de ces hôpitaux, mais elle était bien seule à le
montrer, sauf évidemment la presse « officielle » qui fait chorus avec la
propagande gouvernementale et chante en boucle la gloire de l’hôpital
public. Nous allons voir qu’elle a changé d’avis depuis. Quelle est l’explication de la catastrophe ? La presse ne dit pas qu’à l’origine se trouve la nationalisation de la
santé qui s’exprime dans les termes même de « santé publique » et, par
déclinaison, « d’hôpital public ». C’est évidemment la faute de base : quoi
de plus personnel que la santé ? Notre santé nous appartient en propre et
nul, ni élu, ni fonctionnaire, serait-il préfet, n’est qualifié pour s’en
occuper. L’idée de santé publique est, au surplus, une idée récente dans
l’histoire des hommes et n’a aucune justification autre que la prospérité
personnelle des tenants d’un pouvoir totalitaire qui se développe à l’ombre
d’un prétendu et faux intérêt général. La catastrophe générée par cette nationalisation abusive se déroule et les problèmes les plus récents n’en sont que l’une des manifestations. Toute privatisation d’un processus nationalisé diminue de moitié les dépenses, avec amélioration de la qualité : remarquons que la croissance irrésistible de la CSG et de la CRDS est le résultat du déficit permanent de la sécurité sociale avec l’accumulation de dettes en conséquence. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, a avoué que « notre pays a les dépenses de santé par tête d’habitant parmi les plus élevées du monde ». La privatisation des hôpitaux permettrait sans doute d’économiser environ 2 % du PIB avec des progrès dans la qualité. Rappelons à ce sujet que la France souffre d’un retard récurrent dans les technologies nouvelles, comme les scanners et autres. Voici comment se décline en cascade la calamité générale. Les causes
secondes que nous allons énumérer sont redondantes et cumulent leurs effets
négatifs. Elles se rattachent toutes au concept initial d’une santé
prétendue publique. La lenteur et l’inadaptation des décisions. Le mammouth de la santé dite
publique n’a rien à envier aux autres mammouths. Des décisions tombant de
haut sur un ensemble aussi complexe ne sont jamais adaptées au terrain
mouvant de la base, souvent contradictoires et d’une lenteur désespérante.
Dans une structure privée les décisions sont rapides et immédiatement
opérationnelles ; si l’erreur arrive, la correction est rapide. Le faux concept de l’égalité. Dans tout processus étatique, il se glisse
un venin mortel qui est la prétendue recherche de l’égalité. La santé de
chacun est par définition inégale et c’est une vraie chimère que de
prétendre rechercher l’égalité dans ce domaine. La richesse, où que ce soit,
ne peut naître que de l’inégalité qui par nature est créatrice. La recherche
prioritaire de l’égalité engendre des charges ruineuses sans que la chimère
puisse jamais être atteinte. L’abondance des lois. Depuis 1970, 23 plans ont été lancés pour sauver la
sécurité sociale. Ils comportaient tous des mesures pour sauver l’hôpital
public, lequel compte pour moitié dans la catastrophe globale de la sécurité
sociale. Comme en tout autre domaine du désastre français, la production de
lois innombrables, contradictoires, inapplicables et souvent inappliquées
paralyse toute action efficace. Un chef de service dans un hôpital consomme
un temps considérable à s’informer des lois nouvelles au détriment de la
performance de son service. Un chirurgien avant d’intervenir doit se
fatiguer à des tâches administratives sans intérêt. Le rôle prépondérant des syndicats. Un chef de service de l’hôpital
Pompidou a dit qu’il passait 30 % de son temps à régler des problèmes
syndicaux. Que dire des patients qui arrivent à l’hôpital pour un traitement
et qui ne peuvent recevoir ce traitement alors qu’il y a grève pour un
problème d’informatique ! Les syndicats pèsent non seulement par leur
obstruction permanente mais aussi par les coûts insupportables qu’ils
imposent sous la forme de délégations diverses. L’impossibilité de gérer le personnel correctement. Un rapport de la Cour
des Comptes a décrit le désordre dans la gestion des ressources humaines.
Personne ne sait combien d'employés travaillent à l’hôpital public et
personne ne sait combien et comment ils sont payés. Le rapport met en cause
précisément la nomination des médecins, qui échappe à la direction des
hôpitaux. Le rapport pointe aussi la multiplicité des statuts. Un chiffre
terrifiant est cité : les dépenses de personnel des hôpitaux représentent
plus du quart des charges de l'assurance-maladie. Le personnel de ces
hôpitaux bénéficie à vie du statut de la fonction publique. En particulier,
les absences pour maladie sont payées dès le premier jour, alors que dans le
privé il y a trois jours de carence. Ce simple fait a pour conséquence que
les absences pour maladies sont bien plus nombreuses dans le public que dans
le privé. Les catastrophes latérales. Les hôpitaux, comme toute autre activité,
souffrent de deux vrais missiles envoyés contre la société française, à
savoir les 35 heures et la retraite à 60 ans. Bien entendu les cliniques
privées les subissent aussi ; toutefois la décentralisation des décisions
leur a permis de mieux réagir. Les urgences ont particulièrement souffert
lors des fêtes à cause des jours de RTT prises par les uns et les autres et
qui risquaient de se perdre si elles n’étaient pas prises ! L’absence d’objectif clair. Un service public n’a jamais d’objectif clair
et ne peut en avoir par nature. Dans l’imaginaire et la réalité, il agit au
nom d’un prétendu intérêt général qui varie dans le temps et répond en fait
au bon plaisir momentané des uns et des autres. Ce flou dans les objectifs
conduit au flou dans la comptabilité, quels que soient les succédanés
imaginés pour corriger les incertitudes. Dans une entreprise privée la règle
est la maximisation du profit ce qui permet d’avoir des comptes clairs. Les déficits récurrents. Il n’y a jamais d’argent. Comme l’Etat, gérant
de l’ensemble, court lui-même de déficit en déficit, il est facile
d’imaginer l’impossibilité d’une gestion correcte. A l'inverse, les cliniques privées bénéficient d'une bonne gestion malgré beaucoup d'obstacles que les pouvoirs publics dressent pour les empêcher de fonctionner. Le docteur Vallancien, professeur à l’université Paris-Descartes, a déclaré au Figaro : "L’hôpital produit environ deux à trois fois et demie moins de soins que les cliniques, avec une qualité de soins qui n’est globalement pas meilleure." Le rôle négatif des maires, et l’on retrouve ici le mammouth des
collectivités. Les hôpitaux sont l’un des instruments préférés des maires,
qui sont président de leur hôpital, pour assurer et prolonger leur pouvoir.
Il se comptait, il y a peu, 60 000 lits de trop. Un lit non performant est
un poids dangereux et, de même, un hôpital non performant, maintenu
uniquement pour la gloire et la richesse du maire. Des agences régionales
d’hospitalisations ont été créées pour mettre de l’ordre : c’est le vieux
système étatique consistant à créer de nouveaux organismes quand rien ne
marche ! Mme Bachelot, peu après sa déclaration, s’est réveillée comme nous
l'indiquions puisqu'elle a projeté une nouvelle loi, qui sera au moins la 24ème,
ce qui montre bien que rien ne va plus. Mais encore faut-il arriver à sortir effectivement la nouvelle loi, et
c'est alors que depuis quatre à cinq mois se déroule une comédie qui montre
en grandeur nature les dysfonctionnements de l’économie administrée. D’abord, les innombrables parlottes ont pris place sous forme de « tables
rondes », accompagnées de grèves multiples et de manifestations. Ensuite
nous assistons au gouvernement par le verbe. Le « Lider Maximo » prend la
parole presque tous les jours sur le sujet, nuançant ceci ou cela dans ses
déclarations successives. Un jour, il dit que l’hôpital n’est pas une
entreprise ; dans le même discours, il indique que le déficit ne satisfait
personne, ce qui est le contraire de la phrase précédente. Le navire tangue
ainsi depuis des mois comme un bateau sans gouvernail livré aux vents de la
politique. Le même assure que la loi sera « équilibrée », autant dire qu’elle ne
voudra rien signifier de précis. Le patron de l’hôpital ne sera pas un
despote : c’est par avance le condamner à l’inefficacité. Qu’un despote ait
le devoir absolu d’être un despote éclairé, tout le monde le sait. Il est
vrai que le « Lider Maximo » a une excuse, car depuis deux ans il agit en
despote aveugle, lançant des réformes purement verbales sans aucune
préparation ni contact préalable. La loi devait être votée fin janvier : nous voici milieu de mai ! Quand
une entreprise est en déroute, on n’attend pas des mois pour agir. La future loi toute éventuelle va rajouter une nouvelle structure sous
forme d’agences régionales de santé (ARS) pour chapeauter les agences
régionales d’hospitalisation, créées précédemment et qui sans doute ne
servaient à rien : empilage des structures, fromages fastueux pour les
dirigeants, coûts superfétatoires. Les syndicats se lèchent déjà les
babines, projetant d’occuper pour les détruire les nouvelles bureaucraties.
Il y aura donc dans les régions des sortes de ministères-bis. La presse est muette sur ce scandale en préparation. Cela ressemble
furieusement aux deux décentralisations territoriales qui ont ruiné la
France en empilant les structures, au point que tout le monde en pleurniche
à présent. Il est sûr que les effectifs du ministère central ne vont pas
diminuer en proportion de la croissance exponentielle des effectifs des
nouveaux organismes. Il y aura aussi des CHT, ou communautés hospitalières de territoire, pour
mutualiser les moyens, ce qui formera un autre organisme. Ces nouveaux monstres seront présidés ou co-dirigés par les préfets. Qui
peut penser utile de confier sa propre santé à un préfet, même s’il officie
avec sa belle casquette ? Un pouvoir convaincu et résolu aurait imaginé et mené à bien quelques
mesures simples conduisant à des progrès dans l’autonomie et permettant
d’aller ensuite plus loin. Mais à cette fin il faut être crédible. Au lieu de cela nous avons depuis
deux ans un pouvoir dans le style du « matamore couché ». Il est en train de
se coucher davantage devant l’unanimité des protestations qu’il a suscitées,
certains élus UMP demandant eux-mêmes que les projets de lois soient
purement et simplement abandonnés. Michel de Poncins
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