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23/10/11 | Michel de Poncins |
Les TGV roulent sur le pain des pauvres ! Ces jours-ci, trois faits se conjuguent au sujet de la SNCF et dont la signification globale est considérable : le 30e anniversaire de la création des TGV, des grèves à répétition, et un horrible accident de passage à niveau. Ces événements se rattachent à la ruine infligée au peuple français par le mammouth SNCF, cette ruine étant provoquée en grande partie par les TGV. Personne ne discute les immenses agréments qu'offrent ces TGV aux riches voyageurs qui voient défiler à toute allure la campagne à bord de ces magnifiques jouets. Et pourtant, comme nous allons le montrer, nous roulons alors sur le pain des pauvres. Comment se manifeste cette ruine ? Un rapport de la Cour des comptes sur
« la réforme ferroviaire de 1997 » a démontré que les TGV sont
largement à la source de la ruine de la SNCF. Le rapport dénonce « le
lourd endettement de la SNCF induit principalement par les investissements
considérables effectués pour construire et équiper les lignes nouvelles à
grande vitesse ». Étant donné les chiffres, l'importance de ces dettes
contribue largement à l'endettement abyssal de la nation tout entière, car,
pour les analystes honnêtes, il n'y a pas de distinction à faire entre les
dettes de la SNCF et les dettes globales de la nation (en visant la SNCF,
nous englobons Réseau Ferré de France ou RFF, complètement imbriqués).
L'effet de ruine est patent, compte tenu des charges massives des intérêts
et de la multiplication abusive sur trente ans de la construction des TGV.
La paupérisation du pays en est la conséquence et, comme il est de règle,
cette paupérisation frappe particulièrement les plus faibles. Certes, la ruine de la SNCF a aussi bien d'autres causes. Il y a le
statut incomparable du personnel : un agent de la SNCF coûte 30 % plus cher
que celui d'une compagnie concurrente. Au statut s'ajoute la pléthore de ce
personnel et une grande rigidité dans la gestion, avec du laxisme dans les
heures de travail. Le maintien abusif de liaisons secondaires
sous-employées, sous la pression des élus, est aussi un facteur ; ces
liaisons auraient pu facilement être supprimées et remplacées par des
autobus qui fonctionnent très bien dans d'autres pays. En fait, nous nous trouvons devant une sorte de guerre ouverte par les cheminots contre le reste de la population. Depuis des décennies, la vie quotidienne de millions de Français et en particulier de 10 millions de banlieusards est empoisonnée par des grèves à répétitions qui ont pour résultat que les usagers sont brusquement cloués sur le quai. Il est évident que si le droit de grève est inscrit dans la constitution, le droit de circuler librement est inscrit dans le droit des gens et devrait être très supérieur au droit de grève. Dans ces circonstances, il est exact de dire que depuis des décennies, les cheminots, à la remorque de certains syndicats, ont déclaré une véritable guerre au peuple français. En conséquence de quoi des dysfonctionnements techniques nombreux sont directement liés à l'idéologie du « tout TGV », le reste étant abandonné à son triste sort. Parmi eux, se trouvent les passages à niveau. Le tout récent et terrible accident de passage à niveau est loin d'être le premier : il existe 15 100 carrefours où quotidiennement le trafic routier rencontre le trafic ferroviaire, et en 2007 ils ont été l'occasion de 115 collisions au cours desquelles 38 personnes ont perdu la vie. Les programmes de sécurisation sont terriblement lents puisqu’il n’y a plus d’argent nulle part. Au même moment, en Allemagne, il n’existe pratiquement plus de passages à niveau dangereux. Il est encore un aspect majeur à signaler dans cette triste histoire. La
SNCF est soumise au bon plaisir des pouvoirs publics ainsi que des syndicats
et échappe donc au contrôle du marché. Or, lorsque les pouvoirs publics
interviennent, ils mettent du temps à s'apercevoir de leurs erreurs alors
que, lorsque le marché règne, les erreurs sont corrigées au plus vite sous
la pression des clients. C'est pour cela que le 30e anniversaire de la
création des TGV est à signaler. En effet, les élus qui nous ont apporté
cette catastrophe ont pris largement leurs retraites fastueuses et
imméritées, alors que c'est maintenant seulement que les pouvoirs publics
commencent à s'apercevoir de l'erreur qui remonte à 30 ans ! Une question peut se poser : que se serait-il passé si, au lieu de l'arbitraire, le marché avait régné ? Il y aurait peut-être eu un seul TGV, par exemple sur la ligne Paris-Lyon-Marseille. De riches clients auraient payé à son prix le confort incroyable et les chemins de fer auraient eu beaucoup d'argent pour s'occuper des lignes secondaires. La conclusion ne peut être que mélancolique. L'information des politiques est désormais totale, sauf aveuglement volontaire. La SNCF est un mammouth parmi plusieurs autres qui font souffrir le peuple français. Un changement ne pourrait intervenir que si le personnel politique lui-même changeait et ce n'est pas en vue actuellement ! Michel de Poncins
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