C’est la fête des vœux,
ruinons-nous gaiement !
Notre hyper président, à l'aide de son merveilleux tapis volant, va
partout en janvier pour « offrir » ses vœux à ce qu'on appelle les forces
vives de la nation, et dont beaucoup n’en sont que des branches mortes. Ce
n'est que la pointe de l'iceberg des vœux publics français, qui sont un
véritable scandale générant l'effet de ruine dans toutes les catégories de
la population, avec par ricochet le chômage et la pauvreté.
Depuis fin décembre 2010 et jusqu'à la fin du mois de janvier 2011, si
vous avez essayé de contacter votre député ou votre maire, vous avez
constaté qu'il était « in-tou-chable » parce que, justement, il était à la
fête. Vœux et ensuite « galettes des rois » se succèdent sans interruption,
les galettes des rois ne gênant guère ces fameux républicains dès lors
qu'elles sont gouleyantes. Un ministre, naguère, s'est vanté d'avoir invité
pour recevoir « ses » vœux 10 000 personnes au total, dans « son »
ministère, « sa » ville et « sa » présidence de région. Il était présenté
avec gourmandise par la presse comme un « pro », tant son adresse était
grande dans la préparation et la tenue de ces multiples fêtes.
Dans les fêtes et réceptions publiques, il peut certes arriver que les
simples contribuables soient invités. Cela fait partie de ce que l'on
dénomme « la stratégie des miettes » : les prédateurs publics spéculent sur
leur modeste joie pour continuer à les spolier en paix. Il s'agit,
d'ailleurs, de « miettes » en bonne et due forme, et parfois on les aperçoit
voleter au coin des vestons. En dehors de ces quelques contribuables invités
par erreur, les Hommes de l'État se retrouvent entre eux dans ces réceptions
de début d'année : le président du Conseil général donne la main au député,
qui la transmet au chef syndicaliste. Le président d'association
subventionnée la saisit au passage et la repasse au directeur de société
d'économie mixte ; tiens voici le sous-préfet qui rend la main au président
du Conseil général, terminant ainsi la boucle meurtrière. La balade des
mains se produit entre gens qui vivent tous des impôts. On écoute les
discours d'une oreille distraite en lorgnant sur le buffet.
Certains pourraient se demander si le total des frais occasionnés par ces
vœux représente un chiffre assez significatif pour générer la pauvreté dans
le corps social. Or le calcul montre qu'en fait les frais occasionnés par
les vœux publics en France, lesquels constituent une véritable exception
française, représentent à peu près 0,2 % du PIB ce qui est tout à fait
considérable et suffisant pour faire partir des industries et générer le
chômage et la pauvreté dans une mesure certes difficile à évaluer.
Le calcul
Voici les termes du calcul qui est assez compliqué.
Il y a d'abord les buffets : pas de vœux réussis sans buffets bien garnis.
Pour évaluer le coût des buffets, il faut d'abord savoir combien il y a de
puissances invitantes suivant la terminologie prétentieuse de ces gens. Bien
entendu, au départ, il y a les 40 ministres. Mais il faut ajouter bien
d'autres puissances invitantes, comme les dirigeants de l'opposition, qui
vivent aussi des fonds publics, les dirigeants d'un grand nombre
d'assemblées, et puis les dirigeants de groupes parlementaires et des Hautes
Autorités Administratives. L'évaluation approximative de toute cette
population nous amène à 300. Il faut maintenant ajouter le millefeuille
administratif qui pèse si lourdement sur toute la France. Le rapport
Balladur l’avait évalué à 591 unités : nous pouvons arrondir à 600 et nous
voilà à un total de 900. Que penser des 36 000 communes ? Les communes les
plus importantes, les syndicats des communes et l'intercommunalité nous
conduisent probablement à 1000 puissances invitantes supplémentaires, ce qui
nous porte à 1900 : arrondissons à 2000.
D'autres éléments doivent être pris en compte. Président et ministres font
la fête tous les jours, mais pas les puissances invitantes de moindre
catégorie : il faut faire une moyenne. Soyons modestes et limitons à quatre
fêtes en moyenne, ce qui nous porte le total à 8000 fêtes. Combien de
fêtards dans chacune des fêtes ? Certains se refusent à venir en donnant une
publicité à ce refus. Ce fut le cas récent d'un chef syndicaliste très
attaché à la ruine de la France et qui a fait savoir qu'il ne viendrait pas
aux vœux du président. Hormis ce cas exceptionnel, on se précipite en
général pour être invité, et il est vexant dans les provinces de ne pas
serrer la louche du préfet à cette occasion. Là aussi nous sommes obligés de
prendre des moyennes et nous supposons 200 fêtards par séance. Nous voici
avec 1 600 000 fêtards.
Dans notre évaluation à la louche, si l'on peut dire, il reste à savoir à
combien nous évaluons la place. Il faut tenir compte non seulement des frais
des traiteurs, mais aussi des transports pour amener les fêtards avec
souvent des fonds publics, et prendre en considération l'amortissement ainsi
que l'entretien des fabuleux palais dans lesquelles se passent ces multiples
fêtes. Nous supposons en moyenne un coût de 200 € par place et nous voici à
320 millions d'euros simplement pour le prix des buffets bien garnis.
Le temps
Nous allons surprendre nos lecteurs car nous n'en sommes qu'au début du
scandale et encore au sommet de l'iceberg. Un économiste honnête, doublé
d'un comptable scrupuleux, doit prendre en compte le temps des fêtards. En
effet, faisant preuve pour une fois de gentillesse, nous pensons que ces
fêtards sont des personnes de très grand talent. Souvent, appartenant aux
branches mortes de la nation, ils exercent, certes, leurs talents d'une
façon nuisible : voir les chefs syndicalistes ou les dirigeants de
l'éducation nationale. Au lieu de passer la journée bouche bée devant une
puissance invitante dont ils n'ont rien à faire, ils pourraient créer de la
richesse dans leur domaine de compétence. Nous ne prendrons pas pour
l'évaluation de la valeur de ce temps le tarif d'un PDG du CAC 40, ce qui ne
voudrait rien dire. Nous prenons seulement 2000 € par vacation de fêtard. 2
000 euros multipliés par 1 600 000 nous donne 3,2 milliards d'euros
Avec le coût des buffets nous voici à 3,52 milliards d'euros.
D'autres frais
Nous n'avons pas encore fini car lorsque l'on détricote les causes du
désastre français, on n'est jamais au bout. Une troisième catégorie d'autres
frais doit être prise en compte.
Que les lecteurs sceptiques prennent la peine de sortir de chez eux. A la
campagne, au début janvier, ils recevront en pleine figure par voie
d’affiche sur les routes les vœux du Conseil général, dont ils n’ont rien à
faire, et à Paris, pendant huit jours, les vœux du maire. Il faut voir les
dames du quartier remercier avec effusion le maire pour la boîte de chocolat
qu'il leur a « offerte » avec l'argent qu'il a ramassé dans toutes les rues,
non sans en garder précautionneusement une part pour lui.
Ajouter les cartes de vœux avec frais d'envoi à toute la population, les
frais de dessinateurs et de logos, les affiches, les services de
communication. Un ministre, naguère, voulant sans doute montrer son
attachement aux valeurs de la République, avait envoyé en France et à
l'étranger des milliers de cartes de vœux avec des images obscènes mettant
en jeu certaines de nos gloires nationales. Quand on voit, dans le journal
local, la photo d'un élu venu « offrir » les vœux du Conseil général dans un
asile de vieux, il faut bien comprendre de quoi il s'agit. Ce conseiller
général reçoit pour cette tâche sympathique une prime, plus ses frais de
déplacement, le tout probablement sans impôt. Ne pas oublier le temps des
attachés de cabinet chargés de préparer les discours et d'y semer les
phrases idiotes habituelles.
Le total général
Personne n'a intérêt à nous informer sur cette dernière catégorie de frais
qui se perdent dans le marécage nauséabond de la comptabilité publique. On
peut imaginer que cela nous conduit à un total général de 4 milliards
d'euros, soit 0,2 % du PIB. Les impôts et charges nécessaires pour financer
cette insupportable spécificité française mènent à due concurrence aux
délocalisations, au chômage, voire à la pauvreté. Les innombrables fêtards
objecteront que nous parlons de gouttes d'eau : objection classique. Mais de
multiples gouttes d'eau forment le torrent de la ruine que les prédateurs
publics infligent aux autres.
Un diplomate allemand rencontré par hasard il y a quelques années lors d'un
mois de janvier avait dit que les vœux publics, dans son pays, se
réduisaient à presque rien, mais avait dû abréger l'entretien pour courir
entendre des phrases idiotes lors d'une cérémonie!
Michel de Poncins
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