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Voici que se profile à l'horizon ce qui ressemble fort à un printemps français

 

12/3/05 Claude Reichman
Quand les temps deviennent difficiles, disait Confucius, il faut faire un dictionnaire. Le devoir du sage ne doit pas consister alors à s'abstraire du réel, mais à redonner leur sens aux mots. Il devient urgent, dans notre pays, de s'atteler à cette tâche. Qui sait encore, dans la France officielle, ce que signifient les mots d'honnêteté, de dignité, de vérité, de courage ? Personne. A-t-on entendu une seule éminence de la République en appeler à ces vertus et donner l'exemple de leur pratique ? Non. Les princes qui nous gouvernent mentent effrontément, s'enrichissent aux dépens du peuple et flattent les plus bas instincts. Les exemples de cette dérive sont innombrables et c'est leur accumulation qui crée l'ambiance méphitique et crépusculaire dans laquelle agonise le régime. Or il suffirait que le peuple puisse se donner des représentants dignes de lui pour que le pays se redresse. Mais le système politique et médiatique a été si bien manipulé et perverti qu'aucune relève n'est possible.

Pourtant on voit ici ou là quelques signes encourageants. L'un d'eux est l'affaire Gaymard. Au-delà de la personne de ce ministre qui avait perdu le sens commun, c'est toute une pratique qui a été condamnée, celle qui consiste à transformer l'argent public en avantages privés et qui est devenue la marque du régime politique français, au point de soulever l'indignation dans tous les pays démocratiques. Certains analystes de droite veulent voir dans la chute de M. Gaymard le résultat d'une cabale accablant ce ministre parce qu'il est catholique pratiquant, père de famille nombreuse et gendre d'un éminent professeur de médecine qui combattait l'avortement. Il n'en est rien, même si pour la presse de gauche ces caractéristiques ne constituent assurément pas des circonstances atténuantes. L'affaire Gaymard en réalité n'a dû son retentissement et ses conséquences qu'aux prétentions et aux mensonges du ministre. Et celui-ci est tombé parce que la presse dans son ensemble a largement exposé les unes et les autres. Le ministre n'a pas été honnête : l'argument selon lequel il n'avait rien commis d'illégal n'a pas résisté une seconde à l'évidence de l'abus. Il n'a pas été digne : au lieu de reconnaître les faits, il s'est enferré dans d'impudents mensonges. Il n'a pas été courageux : il aurait dû démissionner spontanément plutôt que de s'y laisser contraindre par le scandale. Sa chute prouve que les mots ont encore un sens en France et que les vertus qu'ils désignent continuent de figurer au panthéon populaire. La crise actuelle est donc bien une crise de régime et non pas une crise nationale.

Trêve de colloques, passons à l'action

Il est toutefois évident que si le régime devait se perpétuer, c'est la nation tout entière qui finirait par être pervertie. Car les méfaits d'un tel système politique et social affectent profondément les mentalités. Et selon le mot bien connu, "quand on ne vit pas comme on pense, on finit par penser comme on vit ". Il est donc urgent de combattre le système et non plus seulement de le critiquer. A cet égard, on ne peut que se désoler de voir s'organiser encore d'innombrables et inutiles colloques où des personnalités cultivées et porteuses d'excellentes idées se produisent devant d'autres personnalités cultivées et porteuses d'excellentes idées et se séparent contentes d'elles-mêmes et les unes des autres alors que pendant ce temps les princes qui nous gouvernent plument la volaille et ruinent le pays. " Tandis que vous levez le nez en l'air pour regarder passer le spoutnik, disait Brassens, on vous pique votre portefeuille ! "

Trêve de colloques, passons à l'action. La première d'entre elles doit consister à populariser et à pratiquer pour son compte la réforme sociale dont tout dépend, à savoir la fin du monopole de la sécurité sociale. Elle signifie l'anéantissement des bases mêmes de la société d'assistance et le retour à la société de propriété qu'a fort justement célébrée George W. Bush dans le discours d'investiture de son second mandat. Il n'y a pas de liberté sans propriété, et il n'y a pas de propriété quand la société vous confisque la plus grande partie de votre rémunération pour la redistribuer au gré des pressions politiques et démagogiques, tout en se servant copieusement au passage. Ce véritable vol est l'acte fondateur de la république des faux princes dans laquelle nous vivons. Et tant qu'il continuera d'être pratiqué à grande échelle, la France se traînera dans la récession, la haine sociale et la crise politique.

La presse, qui a si bien su faire tomber M. Gaymard, détient depuis plus de dix ans tous les éléments qui prouvent la fin du monopole de la sécurité sociale. Elle aurait pu sans difficulté en informer l'opinion et permettre au pays de se redresser. La France ne serait pas dans le triste état où elle est si les médias avaient fait leur devoir. Prenant connaissance de ce dossier et se retournant sur le passé, un journaliste me disait récemment : " Comment un journal comme le mien a-t-il pu se taire sur un tel sujet depuis dix ans ? " Bonne question. Et voici la bonne réponse : les journalistes qui se sont intéressés au sujet ont été rapidement dissuadés d'aller plus loin dans leurs investigations par une direction soucieuse de conserver sa place et ne voulant donc pas fâcher la coterie des princes, dont le pouvoir repose pour l'essentiel sur le système de prélèvement et de redistribution appelé " sécurité sociale ". Mais, comme le disent les Ecritures, il y a un temps pour tout. Le temps du mensonge s'achève, le temps de la vérité commence. Et avec lui le temps du renouveau. Voici que se profile au proche horizon ce qui ressemble fort à un printemps français.

Claude Reichman

 

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