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11/1/09 Marc Mennessier
Procès AZF : la justice cherche à noyer le poisson

C’est triste à dire mais le procès de l’explosion de l’usine AZF qui s’ouvre le 23 février prochain, à Toulouse, paraît bien mal engagé.

L’«ébauche du plan d’audience » que le juge Thomas Le Monnyer a remis le 19 décembre aux avocats des parties civiles et de la défense, et dont je me suis procuré une copie, montre que la majeure partie de ce procès marathon, prévu pour durer entre 12 et 16 semaines, sera consacrée à l’examen de questions préliminaires sans grand intérêt pour la manifestation de la vérité proprement dite : points de procédure, historique du site, présentation des produits en cause (nitrate d’ammonium et DCCNa), aspects réglementaires…

Si le document ne comporte pas de calendrier précis, le juge Le Monnyer, qui présidera les débats, a précisé oralement le 19 décembre, que « la recherche de la cause » de l’explosion ne sera abordée qu’à partir de la 11e semaine. Soit au bout de deux mois et demi seulement ! Mieux : le tribunal ne se penchera sur la thèse de l’accusation (la fumeuse théorie du « sandwich » dont j’ai démontré l’impossibilité dans mon livre) qu’à la toute dernière extrémité, juste avant les plaidoiries finales.

C’est comme si, lors d’un procès d’assises prévu pour durer une semaine, l’examen de la personnalité de l’accusé durait six jours, et que seul le dernier jour était consacré aux faits incriminés !

« Que la justice veuille faire preuve de pédagogie, à l’occasion de ce procès, c’est une chose. Mais là, on a l’impression de lire le programme d’un colloque scientifique » s’insurge Mme Monique Mauzac dont le mari, ingénieur à AZF, a péri lors de la catastrophe.

L’avocat toulousain de l’une des nombreuses parties civiles à ce procès ne cache pas son « étonnement ». « La question de la responsabilité pénale est réduite à la portion congrue. Comment condamner quelqu’un en laissant si peu de temps à l’accusation pour démontrer sa thèse et à la défense pour la réfuter ? » questionne-t-il tout en s’interrogeant sur la motivation des autorités judicaires qui, selon lui, « donnent le sentiment de vouloir exagérément cadrer les débats».

Il est permis en effet de se demander si ce bel ordonnancement ne procède pas d’un stratagème destiné à masquer l’extrême faiblesse de la thèse de l’accusation : un mélange malencontreux de deux produits incompatibles qui ne s’est produit, en fait, que dans l’imagination des experts judicaires. La justice, qui n’a aucune explication de rechange à fournir aux victimes, et au-delà, le pouvoir politique, ont toutes les raisons de craindre les répercussions d’un trop probable fiasco judiciaire. Comme cela s’était produit à Outreau, il y a quelques années.

Avantage supplémentaire : en émiettant l’audience sur des questions périphériques pendant de très longues semaines, au détriment du nécessaire débat contradictoire sur les causes de l’explosion, l’ennui risque de rapidement gagner le public et… les médias. Lesquels risquent de se faire de moins en moins nombreux au fil des semaines.

Très remonté lors de la réunion du 19 décembre, Me Daniel Soulez-Larivère, avocat de Grande Paroisse, la société propriétaire de l’usine sinistrée et de Serge Biechlin, l’ancien directeur, a déjà déposé un recours. Pas sûr qu’il soit entendu. Le juge a tout pouvoir pour organiser le procès comme il l’entend… Aux dernières nouvelles, ce dernier aurait tenu compte "un peu" de ses remarques. A suivre.

Marc Mennessier
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