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21/1/09 Bernard Martoïa
L'élection de Barack Hussein Obama      est la fin d'un processus séculaire

Dans l'hystérie collective, analysée en son temps par Gustave Le Bon (1), les laudateurs ne savent plus à qui comparer le nouveau messie dont on vient de fêter la venue à Washington. Certains le comparent à John Fitzgerald Kennedy, d'autres à Abraham Lincoln qui, signalons-le au passage, est le fondateur du parti républicain. Mais pour les gogos déboussolés et abrutis par la pensée unique, ce détail n'a pas d'importance. Trois ou quatre élus français seulement ont exprimé leur préférence pour le candidat républicain John McCain pendant la campagne présidentielle. Un seul journaliste, Ivan Rioufol, a dénoncé l'Obamania.

Des esprits chagrins disent que ce sera le second mandat de Jimmy Carter. La comparaison ne manque pas de pertinence. Le trente-neuvième président des États-Unis (1977-1981) est à l'origine de la politique de discrimination positive dont on connaît le succès avec l'octroi des prêts hypothécaires à des minorités peu solvables qui est à l'origine de la crise financière mondiale. Mais qui se soucie dans le novland de ce simple rappel de la vérité ?

N'en déplaise aux laudateurs, le président élu ressemble davantage à Booker Talafierro Washington (1856-1915) Qui était Booker ? C'était un Noir affranchi. Il avait neuf ans quand il migra avec ses parents en Virginie de l'Ouest. Booker entreprit des études en parallèle de son travail pénible dans les champs. Il devint instituteur à seize ans. En 1881, il fonda, en Alabama, l'institut Tuskegee, une école de formation des instituteurs réservée aux Noirs. Booker était convaincu que les Noirs ne s'intègreraient vraiment dans la société américaine que par le labeur et l'éducation. Lors de l'exposition internationale de coton à Atlanta, Booker délivra, le 18 septembre 1895, un discours qui devait faire date. Il dénonça l'immigration massive d'Européens alors que le Sud du pays avait une population noire inemployée. Il invita les chefs d'entreprise à faire appel en priorité à cette main d'œuvre qui ne demandait qu'à s'intégrer dans la société.

Lorsque Théodore Roosevelt (1858-1919) accéda à la Maison Blanche, dans des circonstances dramatiques, l'un de ses premiers invités fut Booker. Il avait lu son discours et ses essais. Après avoir lu son livre "Après l'esclavage", il clama : "Un génie comme lui ne se rencontre pas dans une génération !" Il était de deux ans son cadet.

Teddy ne mesura pas la portée de son geste en invitant un nègre à la Maison Blanche. Un reporter de l'agence Associated Press passa, dans la nuit du 16 octobre 1901, relever le nom des invités à la Maison Blanche. C'était la coutume. Il releva la présence d'un nègre parmi les invités. Le surlendemain, les journaux commentèrent la dépêche de l'agence en des termes virulents. "Le plus grand outrage jamais perpétré par un citoyen des États-Unis a été commis par le président en personne quand il a invité à dîner un nègre à la Maison Blanche", écrivit le Memphis Scimitar. Benjamin Tillman, un sénateur de la Caroline du Sud, déclara : "L'action du président Roosevelt de régaler ce nègre à la Maison Blanche va nécessiter l'exécution de mille négros pour qu'ils réapprennent la place qui est la leur dans notre société."

Même s'il fit front avec courage à cette campagne haineuse, Teddy apprécia le soutien discret de l'avocat abolitionniste Albion Winegar Tournée. Il le remercia dans une lettre du 8 novembre 1901. "La seule chose honorable qu'un chrétien puisse faire, c'est de traiter chaque individu selon ses mérites." (2)

Booker avait été invité par Teddy pour évoquer avec lui la candidature d'un juge fédéral à Montgomery. Depuis la fin de la guerre de Sécession, le Sud était un bastion des Démocrates. Roosevelt voulait mettre fin au patronage en vigueur dans le Sud. Interrogé, Booker proposa sans hésitation la candidature de Thomas Jones, l'ancien gouverneur de l'Alabama. Il y avait une difficulté à cette nomination : Jones était démocrate. Roosevelt s'inclina et nomma Jones comme juge fédéral. La compétence technique primait sur la fidélité politique.

Booker ne cessa de plaider en faveur de la méritocratie, qui, seule à ses yeux, devait permettre aux Noirs d'accéder, un jour, à des postes importants dans l'administration américaine. Il ne faut voir dans l'élection d'Obama que la consécration de ce processus enclenché, à l'automne 1901, par le tandem Roosevelt & Washington. Un siècle de lente maturation des esprits …

C'est tout le contraire de la discrimination proactive menée en France par la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) qui va provoquer une fracture sociale irréparable : les Blancs se sentent menacés dans leur existence même par cette machinerie. "Les réformateurs croient que le changement peut être accompli par une brutale politique", disait le dramaturge irlandais George Bernard Shaw. Gardons l'espoir avec cette citation d'Alexis de Tocqueville : " Le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement c'est lorsqu'il commence à se réformer."

Bernard Martoïa

(1) « Psychologie des foules » de Gustave Le Bon aux éditions PUF
(2) « Théodore Roosevelt tome II : de Santiago de Cuba à la Maison Blanche » de Bernard Martoïa aux éditions Le Manuscrit

 

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