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17/5/09 Claude Reichman

Je suis chez moi à Radio France !

A peine nommé à la présidence de Radio France, Jean-Luc Hees défraye la chronique. Invité de France Inter le 15 mai 2009 à partir de 8 h 20, le journaliste Edwy Plenel, président du site Internet d’information Mediapart et ancien directeur de la rédaction du Monde, a critiqué les conditions dans lesquelles sont désormais nommés, par le président de la République, les présidents de l’audiovisuel public.

A la fin de l’entretien, vers 9 heures, le président nouvellement nommé de Radio France, Jean-Luc Hees, se sentant probablement visé par les propos d’Edwy Plenel, en raison du soupçon d’intervention de Nicolas Sarkozy sur sa désignation, a pris l’antenne par téléphone et a déclaré à l’intention de l’invité de la station : « On vous entend sur cette antenne de service public. C’est la radio qui est la plus écoutée le matin à cette heure-là. Ca prouve quelque chose. On va vous entendre encore Edwy Plenel. Vous êtes chez vous comme tout le monde. Vous êtes la preuve que ce soupçon en ce qui concerne la nomination des présidents de l’audiovisuel public est infondé. »

Non seulement me voilà rassuré sur l’indépendance de Radio France et de son principal fleuron, France Inter, mais encore je me retrouve doté d’un formidable cadeau médiatique. Puisque « tout le monde » est chez soi à France Inter, je vais désormais y établir mes quartiers. Car tout le monde, c’est comme l’Etat : c’est moi ! Je peux vous dire que cela va me changer. Moi qui n’y suis jamais invité, dès que j’aurai une information que les médias cachent au public – et Dieu sait s’il y en a : il n’y a pratiquement que cela ! – je me précipiterai chez moi et ferai bénéficier les auditeurs de ce savoir qui leur est refusé.

Dès que je me serai forgé une opinion, après avoir longuement étudié le problème, je ferai irruption dans le studio et lancerai sur les ondes le fruit de ma réflexion. De plus, s’il advient qu’un journaliste de cette station qu’on dit à juste titre de gauche (n’a-t-elle pas coédité un ouvrage de Martine Aubry ?) s’avise de me contredire, je lui déclarerai qu’il en a certes le droit, mais à l’expresse condition qu’il ne s’arme pas de mauvaise foi et d’arguments controuvés, car chez moi, cela ne se fait pas.

Bref, étant chez moi, j’inviterai à Radio France tous ceux que j’estime dignes d’y être entendus et que, cela va de soi, l’on n’y entend jamais. Je sens que bien des amis et des relations qui se sont éloignés de moi parce que je ne passe jamais sur Radio France vont revenir me faire « d’affectueuses révérences », comme le chantait si bien Georges Brassens. Qu’on n’attende pas de moi que je leur manifeste de l’humeur. Bien au contraire je leur réserverai l’accueil qu’on fait au fils prodigue et, pour certains, à l’ouvrier de la onzième heure. Car si grand sera mon bonheur de respirer le parfum de la liberté que je souhaiterai le faire humer à tous.

Il arrivera certains jours que je m’absente de chez moi. Je partirai tranquille, car je pourrai faire entière confiance à mon gardien, Jean-Luc Hees, dont les principes sont si semblables aux miens qu’il est un autre moi-même.

Voilà, je vous ai tout dit. Il suffit parfois d’un mot pour que le monde change, pour qu’on passe de l’ombre à la lumière, comme cela se fit selon certains en 1981. Et ce mot, je suis infiniment reconnaissant à Jean-Luc Hees de l’avoir prononcé. Il ne m’a pas regardé dans les yeux, puisque j'étais encore confiné chez moi, donc invisible, car privé d’invitations à Radio France, mais maintenant que je serai chaque jour ou presque à la Maison de la Radio, il pourra me dire et me redire en me regardant bien en face : « Monsieur, vous êtes ici chez vous. Le micro vous est ouvert. Puisse chacun vous écouter comme vous le méritez ». Et je dois dire qu’alors, moi pourtant si modeste, j’éprouverai comme un soupçon de satisfaction. Comme celle qu’on ressent quand on a le sentiment d’avoir accompli sa mission. Ou celle qui vous envahit quand, en plein cœur de la nuit, le cauchemar fait place aux rêves les plus doux.

Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.

 

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