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18/1/10 Eric Revel

Il faut séparer les banques de dépôt et les banques d’affaires !

Que, finalement, après bien des « moulinets politiques » dans les grands sommets du G20, du G8 ou du G4, rien ne soit modifié ne surprendrait personne... Que Washington ne souhaite pas donner le ton pour démanteler les paradis fiscaux qui sont un appui considérable pour bien d'autres pays... Que finalement les agences de notation poursuivent leur route chaotique à trois acteurs pour l'ensemble du monde financier... Que finalement la création d'un nouvel organisme de supervision mondial comme annoncé, avec tambours et trompettes lors du G20 de Londres, ne soit finalement qu'un leurre... Il n'y aurait rien de vraiment surprenant.

L’autorégulation du système libéral lui même va profondément faire évoluer les protections : les pays du Sud sont devenus créanciers des pays du Nord. Et cela change tout ! Les fonds souverains, par exemple, du Moyen Orient ont été échaudés par la quasi faillite du système financier américain. Le basculement du Nord vers le Sud rebattra les cartes du capitalisme mondial. Ce basculement constitue, à lui seul, l'un des meilleurs appuis pour sauver le système de tous ses excès.

L’autre protection indispensable pour éviter que le monde ne se retrouve un jour proche du précipice financier serait de rétablir aux États Unis, d'où tout part, une loi très stricte du type de celle qui a été supprimée en novembre 1999 par Bill Clinton, le démocrate au saxophone ! Cette loi dite Glass Steagall organisait une séparation très claire et très nette entre les banques de dépôt et les banques d'affaires. Si un organisme bancaire américain choisissait le premier statut, il pouvait bénéficier de l'aide de l'État en cas de problèmes mettant en péril l'épargne des citoyens. En revanche, si un autre organisme choisissait le second statut, il n'aurait jamais la possibilité d'utiliser les capitaux collectés auprès des épargnants pour financer ses activités boursières. Et surtout, cette banque d'affaires se débrouillerait seule, sans l'aide de l'État et donc sans l'argent du contribuable, en cas de difficultés.

La banque Lehman Brothers, proclamée en faillite le 15 septembre 2008, ou la banque Merrill Lynch, vendue sous la contrainte à Bank of America, auraient elles pris autant de risques absurdes de cupidité si elles avaient su que jamais l'État ne lèverait le petit doigt pour les sortir de là ? D'ailleurs, d'une certaine manière, même si la faillite de Lehman Brothers fut jugée par les experts comme une erreur colossale de l'administration républicaine, on peut aujourd'hui affirmer le contraire : le message s'apparente, en fait, à une sorte de loi Glass Steagall a posteriori ! Le message délivré par le Trésor américain en ce funeste septembre 2008 est, en réalité, celui ci : « Vous voyez, chers banquiers d'affaires, nous ne paierons pas pour vous jusqu'à n'importe quand ! Pour vous le prouver, nous n'avons pas sauvé de la faillite l'un des plus grands symboles de votre profession qu'était Lehman Brothers. Vos excès sont sanctionnés. À bon entendeur, salut ! »

La séparation du tiers état et du clergé a posé les fondements de la République française. Proposons, au niveau mondial, une séparation entre banques de dépôt et banques d'affaires. Après la crise de 1929, dans le cadre du New Deal, le « grand » Franklin Delano Roosevelt installa, pour éviter d'autres accidents massifs, cette loi Glass Steagall comme une sorte de « feu rouge » à l'intersection déjà très fréquentée des capitaux financiers et de la cupidité sans bornes de la banque d'affaires. Exigeons une véritable augmentation des fonds propres des organismes qui investissent en Bourse et dans les produits financiers dérivés. Et cela, même si cette augmentation doit grever la capacité d'investissements productifs des banques et donc affaiblir la croissance mondiale.

Exigeons aussi, comme après la « crise de la vache folle », une véritable traçabilité des produits financiers titrisés. Perdre leurs traces, comme dans le cas de la viande bovine, c'est à coup sûr propager le virus dans les hors bilans des organismes financiers, des hors bilans qui doivent, sans aucune espèce de doute, être éligibles évidemment aux ratios prudentiels des professions concernées !

Mais tous ces voeux ne sont ils pas depuis longtemps de simples voeux pieux ? Il y a belle lurette que la souveraineté du politique sur l'économique n'est plus qu'une vue de l'esprit. En matière financière, les États ont transféré une large partie de leurs pouvoirs à des autorités que ces États eux mêmes ont voulues indépendantes ! Hors donc de leur contrôle ! Qui fait la loi aujourd'hui en matière financière ? Un quelconque État, aussi puissant soit il, et sa représentation électorale nationale ? Non, pas vraiment. Le transfert du pouvoir s'est effectué au profit des banques centrales! Le pouvoir est à la finance. L’argent, hier comme demain, restera le nerf de la guerre...

Eric Revel

Extrait de « Demain, rien ne sera plus comme avant » (Editions Ellipses).













 

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