Eric Revel dans la
tourmente
Le Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro accueillait le dimanche 16
novembre 2008 le président du Modem, François Bayrou. Au cours de
l’émission, dirigée par Jean-Michel Aphatie et à laquelle participait, pour
Le Figaro, son directeur, Etienne Mougeotte, le directeur de la
rédaction de LCI, Eric Revel, a osé, sur un ton moqueur, qualifier
François Bayrou d’ « expert bancaire ». La remarque n’a pas eu l’heur de
plaire au président du Modem qui s’est livré à une charge violente contre
Eric Revel, l’accusant d’être un représentant de la pensée unique et de
faire partie de ceux qui portent la responsabilité de la crise actuelle.
Au-delà d’un incident plus spectaculaire que vraiment méchant, une vérité
importante éclate au visage de la classe politique et médiatique : le débat
officiel, en France, ne supporte pas la vérité ! Eric Revel, qui est un des
journalistes les plus compétents et indépendants du PAF (paysage audiovisuel
français), a osé se moquer d’un homme politique et
cela ne se fait pas ! Par malchance, la nasarde d’Eric Revel tombait mal,
car François Bayrou venait de tenir des propos plutôt appropriés sur la
crise bancaire. Mais peu importait à Bayrou, dont l’objectif était de mettre
un terme immédiat à toute expression quelque peu vive d’un journaliste.
Autrement dit, Bayrou a voulu faire un exemple ! Ce qui lui a permis
d’aligner ensuite un incroyable tissu de sottises sur le problème de la
sécurité sociale sans s’attirer la moindre critique ni même la moindre
objection. Ainsi fonctionne le PAF !
Quelle leçon tirer de cet incident ? Qu’il faut de
toute urgence voir et revoir « Tout le monde il est beau, tout le monde il
est gentil », le film culte de Jean Yanne, et notamment l’éloge funèbre au
cours duquel François Gerbert, qu’interprète Yanne, nouvellement nommé à la
tête d’une station de radio afin de redresser son audience, interrompt
l’éloge convenu d’un défunt et le présente comme un beau salaud, à la plus
grande joie des journalistes qui lui emboîtent le pas avec enthousiasme. Eh
bien voilà ce qu’il faut faire si l’on veut sauver la démocratie en France !
Bien entendu, on se passera de toute insulte : la vérité suffira. Et le jour
où Eric Revel dira à François Bayrou : « Monsieur, vos propos sur la
sécurité sociale n’ont aucun rapport avec le problème qu’elle pose »,
peut-être que Mougeotte, Aphatie et tous les autres se sentiront encouragés
à traiter les hommes politiques avec la rigueur qu’ils méritent. Mais cela,
comme disait Rudyard Kipling, c’est une autre histoire !
Claude Reichman
Nous publions ci-après le commentaire qu’a fait Eric Revel de cet
incident sur son blog.
Bayrou pète les plombs !
Le Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro avec M. François Bayrou a été très
chaud ce soir. Après l'incident qui avait opposé Jean-Michel Apathie à
Ségolène Royal, c'est le président du Modem qui s'en est pris directement à
moi. Il m'a accusé d'être un des leaders de la pensée unique et responsable
de l'effondrement du système financier et de la crise économique. Trop
d'honneur, Monsieur Bayrou ! "Quand on me cherche on me trouve", m'a-t-il
lancé. Accusant les médias et les groupes industriels de lui barrer la
route, il a dû convenir qu'il n'avait aucun problème à être invité dans les
émissions de radio et de télévision. Bel aveu pour un provocateur qui
utilise finalement les mêmes vieilles ficelles que George Marchais à sa
grande époque ! Lui dire qu'il était un "expert bancaire" a provoqué sa
charge verbale. Se sent-il à ce point sur la défensive pour utiliser une
telle attitude ?
Après l'émission nous nous sommes expliqués calmement. Je lui ai dit qu'il
ne me déstabiliserait pas avec cette attitude et qu'il " avait tort de
prendre les journalistes pour des cons " ! Il a souri, content de l'effet
qu'il avait produit : Bayrou, seul contre tous, face à la puissance de
l'argent, des médias hostiles, des grands groupes industriels. Le Béarnais
métamorphosé en mousquetaire défendant la veuve et l'orphelin. C'est beau
comme l'Antique !
Sur le fond, il était obligé de reconnaître que Royal ou Aubry soient
premier secrétaire du PS lui était indifférent… Dans les deux cas de figure,
il serait gagnant. Il ne s'agit pas de convictions politiques mais de
calculs électoraux, Messieurs les censeurs !
Eric Revel
Sur le blog d’Eric Revel, voici le commentaire de Claude Reichman
Cher Eric Revel,
Ce n’est pas sur les banques que vous auriez dû reprendre François
Bayrou. En effet il venait d’expliquer de façon convaincante le risque
systémique qu’aurait fait courir aux établissements bancaires la
non-intervention des Etats, ce qui l’avait poussé à voter le plan du
gouvernement.
En revanche, quand il a été question de la position de Jean Peyrelevade qui
ne voit pas d’autre issue aux difficultés de notre système social que la
hausse des cotisations maladie et retraite, Français Bayrou a fui le débat,
se contentant d’une part d’indiquer qu’il avait débattu du problème avec
Jean Peyrelevade ( ce qui est bien le moins), mais qu’il avait le souci
d’éviter de charger la barque des entreprises – seul lieu de création de
richesses, et à cet égard on ne peut que lui donner raison – et qu’il
préférait reporter sur une fiscalité écologique à créer la charge d’une
partie des cotisations sociales. Ce qui est très contradictoire avec son
souci de ne pas pénaliser les entreprises puisque celles-ci seraient
inévitablement les principales payeuses des taxes écologiques.
Cela signifie qu’à l’heure actuelle, François Bayrou n’a pas de solutions à
proposer en matière sociale. Or il s’agit du principal problème français. Le
social prélève et distribue 526 milliards d’euros chaque année sur la
richesse nationale (contre 300 milliards à l’Etat et 200 milliards aux
collectivités territoriales). C’est à cette source de dépenses qu’il faut
s’attaquer en priorité. Toute augmentation des cotisations maladie et
retraite est inenvisageable dans le contexte actuel. Il faut au contraire
faire baisser le coût de la protection sociale en y introduisant la
concurrence prévue par les directives européennes de 1992, intégralement
transposées dans le droit français et donc applicables immédiatement.
L’application de ces dispositions procurerait 38 milliards d’euros de plus
aux salaires nets : de quoi satisfaire le G 20 et le FMI qui ont recommandé
aux Etats, ce week-end, d’affecter 2 % de leur PIB à la stimulation de la
demande interne, soit précisément 38 milliards d’euros !
Voilà de quoi, cher Eric Revel, TF1 et LCI devraient
entretenir leurs téléspectateurs, au lieu de laisser des hommes politiques
jouer la comédie de la colère pour mieux échapper au débat de fond.
Claude Reichman
Merci,cher Claude, de
cet éclairage très important en effet. Votre message me va droit au coeur.
Eric Revel
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