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18/11/08  

Eric Revel dans la tourmente

Le Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro accueillait le dimanche 16 novembre 2008 le président du Modem, François Bayrou. Au cours de l’émission, dirigée par Jean-Michel Aphatie et à laquelle participait, pour Le Figaro, son directeur, Etienne Mougeotte, le directeur de la rédaction de LCI, Eric Revel, a osé, sur un ton moqueur, qualifier François Bayrou d’ « expert bancaire ». La remarque n’a pas eu l’heur de plaire au président du Modem qui s’est livré à une charge violente contre Eric Revel, l’accusant d’être un représentant de la pensée unique et de faire partie de ceux qui portent la responsabilité de la crise actuelle.

Au-delà d’un incident plus spectaculaire que vraiment méchant, une vérité importante éclate au visage de la classe politique et médiatique : le débat officiel, en France, ne supporte pas la vérité ! Eric Revel, qui est un des journalistes les plus compétents et indépendants du PAF (paysage audiovisuel français), a osé se moquer d’un homme politique et cela ne se fait pas ! Par malchance, la nasarde d’Eric Revel tombait mal, car François Bayrou venait de tenir des propos plutôt appropriés sur la crise bancaire. Mais peu importait à Bayrou, dont l’objectif était de mettre un terme immédiat à toute expression quelque peu vive d’un journaliste. Autrement dit, Bayrou a voulu faire un exemple ! Ce qui lui a permis d’aligner ensuite un incroyable tissu de sottises sur le problème de la sécurité sociale sans s’attirer la moindre critique ni même la moindre objection. Ainsi fonctionne le PAF !

Quelle leçon tirer de cet incident ? Qu’il faut de toute urgence voir et revoir « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », le film culte de Jean Yanne, et notamment l’éloge funèbre au cours duquel François Gerbert, qu’interprète Yanne, nouvellement nommé à la tête d’une station de radio afin de redresser son audience, interrompt l’éloge convenu d’un défunt et le présente comme un beau salaud, à la plus grande joie des journalistes qui lui emboîtent le pas avec enthousiasme. Eh bien voilà ce qu’il faut faire si l’on veut sauver la démocratie en France ! Bien entendu, on se passera de toute insulte : la vérité suffira. Et le jour où Eric Revel dira à François Bayrou : « Monsieur, vos propos sur la sécurité sociale n’ont aucun rapport avec le problème qu’elle pose », peut-être que Mougeotte, Aphatie et tous les autres se sentiront encouragés à traiter les hommes politiques avec la rigueur qu’ils méritent. Mais cela, comme disait Rudyard Kipling, c’est une autre histoire !

Claude Reichman

Nous publions ci-après le commentaire qu’a fait Eric Revel de cet incident sur son blog.

Bayrou pète les plombs !

Le Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro avec M. François Bayrou a été très chaud ce soir. Après l'incident qui avait opposé Jean-Michel Apathie à Ségolène Royal, c'est le président du Modem qui s'en est pris directement à moi. Il m'a accusé d'être un des leaders de la pensée unique et responsable de l'effondrement du système financier et de la crise économique. Trop d'honneur, Monsieur Bayrou ! "Quand on me cherche on me trouve", m'a-t-il lancé. Accusant les médias et les groupes industriels de lui barrer la route, il a dû convenir qu'il n'avait aucun problème à être invité dans les émissions de radio et de télévision. Bel aveu pour un provocateur qui utilise finalement les mêmes vieilles ficelles que George Marchais à sa grande époque ! Lui dire qu'il était un "expert bancaire" a provoqué sa charge verbale. Se sent-il à ce point sur la défensive pour utiliser une telle attitude ?

Après l'émission nous nous sommes expliqués calmement. Je lui ai dit qu'il ne me déstabiliserait pas avec cette attitude et qu'il " avait tort de prendre les journalistes pour des cons " ! Il a souri, content de l'effet qu'il avait produit : Bayrou, seul contre tous, face à la puissance de l'argent, des médias hostiles, des grands groupes industriels. Le Béarnais métamorphosé en mousquetaire défendant la veuve et l'orphelin. C'est beau comme l'Antique !

Sur le fond, il était obligé de reconnaître que Royal ou Aubry soient premier secrétaire du PS lui était indifférent… Dans les deux cas de figure, il serait gagnant. Il ne s'agit pas de convictions politiques mais de calculs électoraux, Messieurs les censeurs !

Eric Revel

Sur le blog d’Eric Revel, voici le commentaire de Claude Reichman

Cher Eric Revel,

Ce n’est pas sur les banques que vous auriez dû reprendre François Bayrou. En effet il venait d’expliquer de façon convaincante le risque systémique qu’aurait fait courir aux établissements bancaires la non-intervention des Etats, ce qui l’avait poussé à voter le plan du gouvernement.

En revanche, quand il a été question de la position de Jean Peyrelevade qui ne voit pas d’autre issue aux difficultés de notre système social que la hausse des cotisations maladie et retraite, Français Bayrou a fui le débat, se contentant d’une part d’indiquer qu’il avait débattu du problème avec Jean Peyrelevade ( ce qui est bien le moins), mais qu’il avait le souci d’éviter de charger la barque des entreprises – seul lieu de création de richesses, et à cet égard on ne peut que lui donner raison – et qu’il préférait reporter sur une fiscalité écologique à créer la charge d’une partie des cotisations sociales. Ce qui est très contradictoire avec son souci de ne pas pénaliser les entreprises puisque celles-ci seraient inévitablement les principales payeuses des taxes écologiques.

Cela signifie qu’à l’heure actuelle, François Bayrou n’a pas de solutions à proposer en matière sociale. Or il s’agit du principal problème français. Le social prélève et distribue 526 milliards d’euros chaque année sur la richesse nationale (contre 300 milliards à l’Etat et 200 milliards aux collectivités territoriales). C’est à cette source de dépenses qu’il faut s’attaquer en priorité. Toute augmentation des cotisations maladie et retraite est inenvisageable dans le contexte actuel. Il faut au contraire faire baisser le coût de la protection sociale en y introduisant la concurrence prévue par les directives européennes de 1992, intégralement transposées dans le droit français et donc applicables immédiatement. L’application de ces dispositions procurerait 38 milliards d’euros de plus aux salaires nets : de quoi satisfaire le G 20 et le FMI qui ont recommandé aux Etats, ce week-end, d’affecter 2 % de leur PIB à la stimulation de la demande interne, soit précisément 38 milliards d’euros !

Voilà de quoi, cher Eric Revel, TF1 et LCI devraient entretenir leurs téléspectateurs, au lieu de laisser des hommes politiques jouer la comédie de la colère pour mieux échapper au débat de fond.

Claude Reichman

Merci,cher Claude, de cet éclairage très important en effet. Votre message me va droit au coeur.

Eric Revel

 

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