Clearstream, une
histoire de fous !
L'affaire Clearstream, un Watergate français? Je n'y ai jamais cru, tant
ce prétendu scandale d'Etat, qui arrive ce lundi et pour un mois devant la
justice, me paraît artificiel. Si des comploteurs ont cherché à abattre
Nicolas Sarkozy, il s'agit de Pieds Nickelés armés d'un pistolet à bouchons.
Dès le départ, il a été établi que Clearstream, chambre de compensation
luxembourgeoise, n'hébergeait pas de comptes de particuliers.
L'énumération de comptes attribués à des personnalités diverses, sur
lesquels auraient été versées des commissions de marchés d'armement, n'a
donc jamais reposé que sur du vent. De surcroît, un examen des noms cités
(dont le mannequin Laetitia Casta et la chanteuse pour adolescents Alizée)
suffisait à convaincre de la fumisterie.
L'audience dira si Dominique de Villepin a lui-même inspiré aux faussaires (Imad
Lahoud, Jean-Louis Gergorin) de rajouter Sarkozy dans cette liste bidonnée.
Le président de la République en serait persuadé. Mais il faudra alors
expliquer pourquoi Villepin avait chargé le général Philippe Rondot
d'enquêter sur la véracité des listings, s'il avait participé à leur
falsification. L'ancien premier ministre est peut-être tordu ; mais à ce
point ? Qu'il se soit réjoui de voir le nom de Sarkozy mêlé à cette affaire
minable, cela semble probable. Qu'il se soit abstenu de prévenir son rival
des soupçons pesant contre lui n'est ni courtois, ni solidaire, ni
sympathique, ni loyal. Mais cela ne fait même pas, a priori, une infraction.
En réalité, Clearstream, qui a monopolisé l'attention des médias et du monde
politique durant des années, me semble être (à moins que le procès ne
démontre le contraire) à l'image de ces apparents débats qui envahissent
l'espace public mais dissimulent un grand vide. Outre le panurgisme
journalistique, cette affaire risque de révéler la naïveté, l'aveuglement,
le manque de discernement du monde politique. Car, enfin, c'est bien lui qui
est devenu hystérique face à un faux grossier établi par un mythomane et un
paranoïaque. De ce point de vue, il n'est pas certain que Sarkozy, victime
parmi d'autres, se sorte indemne de cette histoire de fous, révélatrice d'un
pouvoir obsédé par ses haines intestines et oublieux de l'intérêt général.
Ivan Rioufol
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