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20/12/12 Ben Rooney
           Le laissez faire, ça marche tout le temps,
                          le dirigisme jamais !

La France est l'hôte de la plus importante conférence de haute technologie en Europe : le Web. Elle a un certain nombre d'entreprises technologiques de classe mondiale telles que Deezer et Criteo, abrite l'une des plus importantes sociétés d’information technologique en Europe, Dassault Systèmes, et dans une étude récente des pôles mondiaux numériques réalisée pour le compte de Telefónica, elle est placée devant l’Allemagne. Alors pourquoi ce pays est-il trop souvent perçu comme un obstacle à la culture de démarrage d’une entreprise ? C’est un comble pour celui qui nous a donnés le mot «entrepreneur.»

Si le président socialiste François Hollande (1) s’est aliéné rapidement les milieux d’affaires, son prédécesseur n’a montré jusqu'à la fin de son mandat aucun intérêt pour le numérique. Oussama Ammar, un investisseur, n'est pas satisfait par le nouveau gouvernement. «Beaucoup de mal a été fait à l’encontre des entreprises naissantes, a-t-il dit. L'augmentation du taux d'imposition sur les gains en capital est considérée comme un mauvais coup porté à l’encontre des investisseurs en capital-risque dont le rôle est essentiel pour le démarrage d’une entreprise. Et le compromis qui a été obtenu est presque aussi ridicule parce que tellement complexe… » (2)

Les propositions fiscales de M. Hollande, qui comprennent un alignement des gains en capital sur les taux d’imposition progressifs du revenu, avec une tranche supérieure portée à 75% et, dans certains cas, la CSG (3) portée à 60%, ont déclenché un mouvement de protestation appelé "Les Pigeons." Face à cette protestation, M. Hollande est contraint de réévaluer sa politique.

Fleur Pellerin (4), la jeune ministre déléguée responsable des PME et de l'agenda numérique au sein du ministère pour le redressement productif, tend la main aux nouvelles sociétés. Elle dit que le gouvernement étudie les deux problèmes majeurs des start-up : le recrutement des talents et la flexibilité du marché du travail. «Nous envisageons un visa spécial pour les start-up, a-t-elle dit lors de la conférence du Web. Nous travaillons avec le ministère des Affaires étrangères sur ce problème. Nous voulons rendre plus facile le recrutement des talents. » Elle dit que les start-up veulent une flexibilité du travail. «Les besoins, en matière de protection des salariés, ne sont pas les mêmes que dans les industries traditionnelles. Je pense que les gens veulent négocier la flexibilité contre des stock-options s'ils sont licenciés." Le gouvernement français veut copier Londres en mettant en place un équivalent à City Tech. «Les Britanniques ont été très bons pour communiquer sur leurs start-up, peut-être que nous avons été trop modestes », a-t-elle conclu.

Cependant, de nombreux entrepreneurs français expriment le peu de confiance que leur inspire ce gouvernement. Ce n'est pas que la France soit moins généreuse envers ses jeunes pousses, a déclaré Nicolas Brusson, co-fondateur de BlaBlaCar, un service de covoiturage. « Nous avons bénéficié de beaucoup d’argent public pour démarrer BlaBlaCar, et ayant travaillé auparavant aux États-Unis et au Royaume-Uni, je n'ai pas eu ces subventions-là dans ces deux pays. (5) Cependant, je pense que le gouvernement ne comprend pas la nécessité d'un écosystème, car aider les entreprises à décoller n'est pas suffisant en soi. Nous avons également besoin d'une bonne communauté en capital-risque avec des acquéreurs afin que l'écosystème puisse prospérer. (6) Le gouvernement ne le comprend pas et les lois fiscales rendent moins attractive la France pour les investisseurs en capital-risque. »

La raison, explique Jean-David Chamboredon, le président de l'IASI, un fonds français des entrepreneurs, et l'un des organisateurs des Pigeons, est un manque de sensibilisation des politiciens français de ce qu'il convient de faire pour fonder une entreprise, en particulier dans le numérique . «En tant que porte-parole des Pigeons, j'ai eu l'occasion de parler avec beaucoup de gens dans le gouvernement ou au parlement. La plupart d'entre eux ne savent pas que les start-up sont différentes des PME traditionnelles. Elles engrangent des pertes initiales à cause de l'accès aux prêts bancaires qui leur est interdit. Par ailleurs, elles ont plusieurs co-fondateurs contre un seul généralement dans une PME, et de nombreux actionnaires qui sont les fondateurs, les amis, la famille et les investisseurs, alors qu’il n’y en a pratiquement pas dans une PME. Nos politiciens, qui sont des fonctionnaires, des médecins ou des avocats, sont loin de ces réalités qu’ils ont du mal à appréhender. »

"Peut-être que la meilleure solution serait de ne rien faire ; c’est ce qui s’est passé plus ou moins avec le gouvernement précédent, mais au moins nous pouvions travailler avec ça," a déclaré Yann Lechelle, un entrepreneur étudiant à l’INSEAD qui gère en même temps son entreprise.

Ne rien faire. Est-ce vraiment un nouveau message ? L'histoire raconte que Jean-Baptiste Colbert, le ministre des finances de Louis XIV, avait demandé à un marchand nommé Le Gendre comment l'État pouvait l'aider. La réponse du commerçant fut lapidaire : «Laissez-nous faire !» C'est une autre grande expression que les Français ont donnée au monde, mais qu’ils ne conçoivent pas pour eux-mêmes : le laisser-faire. (7)

Ben Rooney

Notes du traducteur

(1) Le président est un ancien énarque.

(2) C’est une autre usine à gaz inventée par les énarques de Bercy. Pourquoi faire simple quand on peut faire inutilement compliqué ? Parce que cela légitime leur savoir et leur pouvoir sur la société française. « Nous savons mieux que vous », disaient les anciens dirigeants communistes aux Polonais jusqu’au jour où ils furent virés par le peuple et remplacés par des gens comme Leszek Balcerowicz qui transforma, du jour au lendemain, une économie planifiée en une pure économie de marché à travers sa thérapie de choc. Ce n’est donc pas un hasard si la Pologne fut le seul Etat européen à éviter la crise en 2009 (confer ma traduction de l’entretien de Balcerowicz avec le Wall Street Journal) .

(3) La CSG (contribution sociale généralisée) fut inventée, le 16 novembre 1990, par Michel Rocard, ancien énarque alors Premier ministre.

(4) Fleur Pellerin est une énarque également.

(5) Ce n’est pas à l’Etat de décider qui doit être financé, mais aux investisseurs en capital-risque qui ont une meilleure compréhension du marché. D’où l’inutilité de la banque publique d’investissement que veut créer le gouvernement socialiste. Partout ailleurs dans le monde, les entrepreneurs ne font pas appel à l’Etat mais au marché pour lever de l’argent à travers la distribution d’actions publiques. C’est comme cela que ça marche et non pas avec une économie planifiée que veut recréer le gouvernement socialiste, où des fonctionnaires omniscients décident d’investir où cela leur plaira l’argent du contribuable. Le débat sur la nationalisation de l’acier en France est ubuesque.

(6) La France a tout simplement besoin d’un marché secondaire actif. Cela n’arrivera que si l’on supprime les taxes confiscatoires sur les plus values comme la CSG et la CDRS, et en ramenant l’impôt à un taux unique de 10% sur les plus values, sur les stock-options et sur les dividendes d’actions sur le marché principal. Pour mémoire, l’indice CAC 40 se traîne à 3668 points, une perte de 48 % depuis le zénith du 4 septembre 2000 avec 6992 points.

(7) 90% des Français préfèrent de loin l’égalité à la liberté. Ils sont bien servis.



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