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9/4/09 | Jean-Jacques Rosa |
Pour sortir de la crise, il faut réduire la taille des énormes entreprises Dans mon article de la revue Commentaire (Hiver 2006-2007) intitulé « La crise des capitalismes hiérarchiques », je voyais surtout ces derniers comme caractéristiques des économies d’Europe continentale et du Japon. Mais Simon Johnson, un ancien « chief economist » du FMI, qui écrit aussi sur The Baseline Scenario, publie dans le numéro de mai de The Atlantic un article intitulé « The Quiet Coup » dans lequel il décrit l’économie américaine comme une structure oligopolistique dans laquelle, tout comme pour les économies émergentes, les grands groupes financiers disposent d’une influence politique disproportionnée et ont en effet pris le contrôle du gouvernement qui est censé être leur régulateur. On retrouve là la thèse de George Stigler, l’un des premiers Nobel de Chicago, sur la théorie de la capture des régulateurs publics par les intérêts qu’ils sont chargés de surveiller. Cette analyse n’est évidemment pas sans conséquences pour les politiques de sortie de crise : alors que les autorités et la plupart des commentateurs se polarisent sur la recapitalisation des banques (implicitement à dimensions inchangées) et sur la multiplication de réglementations nouvelles, il se pourrait que la mesure la plus efficace soit une réduction générale de la dimension de ces énormes entreprises,et leur respécialisation, ce qui correspond à la fois au downsizing nécessaire dans une économie d’information (Le second vingtième siècle, Grasset 2000) et à la présomption d’inefficacité qui découle de la thèse de la capture. Les firmes en place, trop grandes pour les conditions actuelles de l’économie et des marchés, absorbent alors trop de ressources en résistant au nécessaire downsizing. Cette résistance pénalise ainsi, par mauvaise allocation de ressources rares en faveur des entreprises les moins efficaces, l’entrée et le développement des entreprises nouvelles et plus petites, et au total finit par freiner brutalement la croissance après des périodes de booms artificiels, lorsque l'artifice ne peut plus être occulté. Johnson voit les crises de ces dernières années, et l’actuelle, dans les pays émergents comme dans les pays les plus développés, comme le résultat de l’étouffement progressif de la création destructrice : en étouffant la destruction on étouffe la création. Il faut mentionner aussi, dans la même ligne de réflexion, le très intéressant ouvrage de Raghuram Rajan et Luigi Zingales (tous deux de Chicago) : Saving Capitalism from the Capitalists (Princeton University Press, 2003). On aimerait beaucoup que tous les refondateurs auto-désignés du capitalisme mondial prennent le temps de lire un peu et de réfléchir plus avant à ces analyses. Au lieu de quoi le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Bruno Le Maire, préconise, selon La Tribune du 8 avril, « une politique économique ambitieuse visant à créer des géants industriels européens capables de résister à la concurrence des pays émergents ». Et ce n'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres. Nous voici revenus au temps du Servan-Schreiberisme et du post-Pompidolisme. Et au fait, que sont devenus les ambitieux "refondateurs" communistes ? Jean-Jacques Rosa
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