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27/2/09 Jean-Jacques Rosa

L’Europe de l’Est est un maillon faible pour la zone euro

Nouriel Roubini, l’un des rares économistes à avoir annoncé longtemps à l’avance la crise immobilière américaine, soutient, dans son « RGE Monitor (info@regemonitor.com)   du 25 février, que la situation conjoncturelle des pays d’Europe centrale et orientale (les « PECO ») devient critique. Il y a deux facteurs principaux de dégradation : l’effondrement des exportations (principalement vers l'Union européenne) et l’assèchement des flux de capitaux vers la région. Selon l’Institute of International Finance, l’apport net de capitaux privés à l’Europe émergente devrait chuter de 254 milliards de dollars en 2008 à 30 milliards en 2009. Ce qui pourrait provoquer un choc comparable à celui qui a frappé les pays asiatiques dans les années 1995-97.

Il pourrait alors se propager à l’Ouest. D’une part en effet les banques d’Europe occidentale sont largement engagées dans ces pays, en particulier les banques autrichiennes, et d’autre part la dette des PECO est largement libellée en devises étrangères (et notamment en euros). Des faillites locales se diffuseraient ainsi largement. Dans les conditions actuelles, les possibilités de la politique monétaire sont limitées: une dévaluation locale alourdirait le fardeau de la dette et mettrait en difficulté de nombreux emprunteurs locaux. D’autre part les possibilités de relance budgétaire sont aussi très réduites en raison de la récession qui accroît les déficits publics et des engagements d’orthodoxie budgétaire consentis pour accéder à la zone euro.

Qui plus est, les mesures protectionnistes de certains pays d’Europe de l’Ouest en faveur de leurs propres secteurs automobile et financier, ainsi que les restrictions à l’immigration, ajoutent beaucoup à des difficultés déjà sérieuses.

On comprend mieux dans ces conditions l’annonce faite par Mme Merkel : le gouvernement allemand serait prêt à soutenir ceux des PECO dont les finances publiques seraient trop dégradées. L’enjeu - non évoqué mais bien réel - est également celui de leur future participation à la zone euro et donc de l’extension de taux de change «définitivement fixes » (sous-entendu « par rapport à la devise en circulation en Allemagne ») à tous ces pays, ce qui "verrouillerait" l'avantage de compétitivité dont profite ainsi l'économie allemande vis-à-vis des ses voisins et concurrents : faisant feu de tout bois, le journaliste du Financial Times Wolfgang Munchau – un zélateur inconditionnel de l’euro – suggère d’accélérer l’entrée de plusieurs de ces pays dans l’eurozone pour leur éviter dépréciation de change et majoration de leur dette externe.

Mais le revers de la médaille viendrait alors du blocage dans un rapport de change qui freinerait la reprise, ainsi que dans la soumission à des politiques futures, monétaires et budgétaires, d'inspiration germanique, qui ne conviendraient pas, en réalité, à chacun de ces pays, leur imposant un futur et durable handicap de change. Le soutien annoncé de Mme Merkel serait ainsi à double tranchant.

Au total, le fossé économique et politique se creuse entre les deux Europe, la vieille et la nouvelle, la vieille ne faisant preuve en la circonstance d'aucune espèce de générosité.

Jean-Jacques Rosa

 

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