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23/5/20 Claude Reichman
     
       Nous ne voulons plus de votre sac à patates !

Si les Français se voyaient tels qu’ils sont, ils auraient la surprise de constater qu’ils sont vêtus de sacs de jute avec un trou pour la tête et deux pour les bras. C’est par pure illusion qu’ils croient porter des habits élégants.

En réalité, l’illusion a consisté à rendre le sac de jute invisible. Le magicien qui est l’auteur de ce formidable tour de passe-passe, c’est l’Etat. On sait que le secret des illusionnistes consiste à attirer l’attention du spectateur sur un geste appuyé tandis qu’en toute discrétion le geste « magique » s’accomplit. Dans le cas de l’Etat, le tour consiste à clamer haut et fort le mot de « solidarité » et à inviter les spectateurs à l’entonner en chœur après lui, de façon à lui permettre d’enfiler à ces malheureux, pendant qu’ils chantent, le sac de jute qui sera le signe de leur esclavage.

L’épidémie de covid-19 a dessillé les yeux du peuple. La troupe d’illusionnistes qui se produisait à l’enseigne de l’Etat et dont les Français attendaient protection et salut s’est révélée incapable de la moindre mesure sérieuse de sauvegarde. Face aux milliers de morts et à l’économie en ruines, les citoyens ne voient plus dans les illusionnistes que des escrocs et comprennent enfin que le sac à patates qui les habille n’est qu’un truc pour les soumettre.

Prudents, les Français attendent que le virus ait décampé pour passer à l’action. Mais les illusionnistes ne perdent rien pour attendre. Les plus chanceux seront ceux qui auront la vie sauve.

Il ne manque pas d’illusionnistes de rechange. Mais s’ils ne sont jamais arrivés en haut de l’affiche, c’est parce que le peuple, si naïf et bon public qu’il soit, n’a jamais cru à leurs trucs. Il faut dire que déshabiller les riches pour habiller les pauvres n’est pas très convaincant, vu le nombre de ces derniers, et que s’enfermer à l’intérieur de chez soi est choquant pour des gens qui ont pris goût à aller voir ce qu’il se passe dehors.

Ce qu’il y a de certain, c’est que les Français vont se défaire du sac à patates qui les habille et le jeter aux ordures, même si les escrocs ne rêvent que de le leur enfiler à nouveau. Ils vont vouloir vivre autrement. Mais « autrement » peut vouloir dire bien des choses. En tout cas cela ne voudra pas dire s’épuiser à porter tout le monde sur son dos.

Sonnons donc le glas du système social « que le monde entier nous envie ». Un virus, l’être le plus petit qui soit, a eu raison de l’abracadabrantesque palais des merveilles et des délices où grouillait l’innombrable foule des demandeurs.

Tout ce monde en déshérence va se répandre dans les villes et les campagnes, à la recherche de protecteurs capables de remplacer leurs bienfaiteurs défunts. Mais ils ne rencontreront que des visages fermés, leur enjoignant de se mettre à la tâche plutôt que de mendier leur pitance. Un défunt chef de l’Etat à la taille imposante employait en des circonstances de cette nature l’expression « vaste programme ! ».

La planète tout entière résonne d’un grand fracas d’empires. Tous ne sont pas morts. Un financier d’outre-Atlantique a coutume de dire « quand la mer se retire, on voit ceux qui nageaient à poil ». Lui-même a perdu un peu du tissu de son caleçon pour n’avoir pas réagi à temps au nouveau cours des choses. Mais il lui en reste assez pour que la décence soit sauve.

C’est cependant au royaume de France que les outrages à la pudeur sont les plus criards. Une immense troupe d’accapareurs de biens publics se balade le cul à l’air dans nos plus belles avenues. Certains esprits vengeurs vont même jusqu’à dire qu’il ne leur manque qu’une plume pour que le spectacle soit complet.

« Ce que l’Etat doit à chacun de ses membres, c’est la destruction des obstacles qui les gêneraient dans leur industrie », disait un conseiller fort avisé mais mal écouté d’un de nos rois au sort funeste. Eh quoi, s’écrient les illusionnistes démasqués, nous voulions le faire, mais un sort malin a fait qu’au lieu de détruire ces obstacles nous en élevions d’autres qui avaient vocation à les remplacer, de telle sorte que tous ces obstacles réunis finirent par faire un mur immense.

Laissons ces inconscients à leurs folles constructions. Rien n’est plus beau que le premier matin du monde. Fasse le ciel que rien ne vienne gâcher notre plaisir !

Claude Reichman






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