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24/3/09 | Claude Reichman |
« Les salariés ne sont en rien responsables de la crise. » Tu parles ! La crise financière mondiale est devenue économique et sociale. Beaucoup d’entreprises connaissent de graves difficultés ou disparaissent. Les licenciements se multiplient. En France, on annonce 450 000 chômeurs supplémentaires en 2009 et certaines prévisions vont même jusqu’à un million. Ce n’est plus une crise, mais un effondrement sans précédent. Les commentateurs compatissent à juste titre avec les salariés qui perdent leur emploi et n’hésitent jamais à ajouter que ceux-ci « ne sont en rien responsables de la crise ». Or s’il est vrai que les chefs d’entreprise ont évidemment à assumer la situation et les décisions qu’ils prennent, il est faux de prétendre que les salariés n’y interviennent en rien. Non pas tant au niveau de l’entreprise qu’à celui de l’Etat. Une firme n’est pas une île dans l’Océan. Elle exerce son activité dans un environnement fait de lois qui s’imposent à elle et qui, souvent, sont beaucoup plus déterminantes que les souhaits et les intentions de son patron. Qui peut prétendre que les impôts, les charges sociales, les obligations administratives, les conventions collectives et tout ce que contiennent les milliers de pages du code du travail laissent quelque liberté que ce soit au chef d’entreprise ? En fait celui-ci a les mains et les pieds entravés et c’est miracle qu’il puisse encore produire et vendre quelque chose. Or tous ces impedimenta ne se sont pas abattus sur l’entrepreneur par hasard. Ils sont le fruit des politiques menées dans le pays et à l’adoption desquelles les salariés, en tant que citoyens, ont pris une part essentielle. Certes l’électeur n’est associé que de loin aux décisions politiques, qui sont prises par quelques centaines de personnes, gouvernants, parlementaires et surtout hauts fonctionnaires, tandis que quelques centaines d’autres, journalistes ou « personnes qualifiées » sont seules admises à en assurer le commentaire et la critique, mais il n’empêche que les citoyens sont souvent appelés à manifester et à voter et qu’ils détiennent de ce fait un pouvoir décisif. Disons-le sans détour : tout ce qui s’est fait en France l’a été avec l’assentiment, explicite ou tacite, des Français. Et ceux-ci ne peuvent en aucun cas s’exonérer de leur responsabilité dans le drame que connaît notre pays. Bien entendu, nous n’avons pas en tant que Français voté pour la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine, mais nous sommes citoyens d’une Union européenne qui aurait pu se faire entendre à ce sujet et qui s’en est abstenue. Et qu’a fait Bruxelles quand la France s’est refusée à mettre en œuvre les dispositions communautaires supprimant le monopole de la sécurité sociale, qui, en redonnant du pouvoir d’achat aux Français, auraient pu et peuvent encore atténuer les effets de la crise dans notre pays ? Rien, sinon de laisser des hauts fonctionnaires français en poste à la Commission violer leur obligation de loyauté à l’égard de l’institution communautaire et mentir effrontément à leurs compatriotes dans l’intérêt mal compris du gouvernement et surtout du système ! Alors oui, tous coupables. Et cela tombe bien : la punition va être collective. Les fonctionnaires et les retraités de la répartition se croient à l’abri parce que c’est l’Etat et non des entreprises privées soumises à la concurrence internationale qui paie leurs traitements et leurs pensions. Oui, mais qui fournit son argent à l’Etat sinon le secteur privé ? Celui-ci n’est plus très loin de l’agonie, et l’Etat le suivra immanquablement dans la déchéance. Ce grand malheur public finira-t-il par ouvrir les yeux de tant de compatriotes qui ont oublié que la liberté et la prospérité ont pour condition la lucidité et la responsabilité ? Espérons-le, tant il est vrai que les « terrifiants pépins de la réalité » qu’évoquait Prévert ont la fâcheuse habitude de rester à travers la gorge des peuples épris d’illusions. Alors attendons-nous à de sacrées quintes de toux ! Claude Reichman |