Exclusif : Un secret d’Etat enfin révélé

Nous avons pu nous procurer l’unique document que François Mitterrand a remis à Jacques Chirac lors de la cérémonie de passation de pouvoirs à l’Elysée en 1995. A la fois bréviaire et guide de conduite, ce texte éclaire d’un jour définitif les deux présidences qui ont fait de la France ce qu’elle est aujourd’hui devenue.

Le testament de Rackham le Rouge

Sacré Rackham ! Sacré vieux forban ! Jusqu’après sa mort, il nous aura tous roulés dans la farine. A son enterrement, il ne manquait personne. Corsaires, frères de la Côte et flibustiers, nous étions tous là, venus des îles les plus reculées. C’était la plus belle collection de jambes de bois et de crochets de fer qu’on eût jamais vue. Nous étions tous sur notre trente et un. Certains s’étaient même lavé les dents pour l’occasion. Même Chicot l’Infect, ainsi nommé à cause de sa mauvaise haleine. Il est vrai qu’il avait eu moins de travail que d’autres, puisque que sa mâchoire ne comptait qu’une incisive pour tout ornement. Bref il y avait du monde, et du beau monde.

Le plus ancien d’entre nous fit sur la tombe de Rackham un émouvant discours. Je ne résiste pas au plaisir de vous le rapporter.
« Mon cher Rackham, c’est avec une profonde émotion …Quel est l’ignoble sagouin qui a dit poil au menton ? » Silence dans la foule. Nous savions bien que c’était Petit Rouquin, dit Le Farceur, qui avait proféré cette plaisanterie incongrue en un moment aussi solennel, mais personne ne le dénonça. « C’est avec une profonde émotion, mon cher Rackham… Poil à quoi, hein ? Poil à quoi ? », cria furieux l’orateur. Personne n’avait trouvé, et il put reprendre. « …que nous mettons aujourd’hui en terre ta vieille dépouille. Plus ignoble que toi, il n’y en avait aucun parmi nous, et c’est pour cela que nous te respections. Toute ta vie tu as pillé, volé, assassiné, menti, bu et craché. Tu es un exemple pour notre belle jeunesse. Que ceux qui pourraient être tentés par une vie honnête se souviennent de toi à chaque instant et reprennent le droit chemin. Amen. » « Amen », reprit l’assistance. Puis les une après les autres, nous allâmes déposer une poignée de terre et un crachat sur le cercueil.

Après cela, nous nous réunîmes sous un cocotier pour nous consoler dans le ratafia et écouter la lecture du testament.
Coupe-Tout Le Subtil se leva. On l’appelait ainsi parce qu’il coupait aussi bien les corps que les cheveux. Les corps en deux, les cheveux en quatre. Et tout cela en finesse.  «Frères de la Côte, je vais vous lire le testament de Rackham. » Il rota un bon coup pour s’éclaircir la voix et commença : « Ceci est mon testament. A tous mes amis présents, salut et longue vie et que le rhum les étouffe. Pour ce qui est de mes trésors, ils peuvent toujours se brosser. Je donne tout à l’abbaye de Ploumanac’h, mon village natal, afin que les moines prient pour mon âme coupable. »

Coupe-Tout n’eut pas le temps de replier le parchemin. Nous nous étions tous jetés sur lui pour le rouer de coups. En vérité, il n’était pour rien dans la sale farce de Rackham, mais nous avions besoin d’un peu d’exercice. Après force beuveries, chacun regagna son repaire, finalement assez content de cette bonne journée passée entre amis.

Nous remarquâmes en rentrant qu’une voile cinglait vers l’est. C’était le vieux rafiot de Crétin dit L’Imbécile. Tout le monde pensa qu’il était si fin saoul qu’il se trompait de direction. Erreur.
On ne le revit que trois ans plus tard. Il ne rentrait pas les mains vides. Son vieux rafiot débordait d’or et de pierreries. Il était allé piller l’abbaye de Ploumanac’h. Tout bêtement!