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Si Chirac signe le 17 décembre, il est mort politiquement |
8/10/04 | Claude Reichman |
Jacques Chirac peut-il, lors du sommet européen du 17 décembre
prochain, donner son accord à l'ouverture des négociations d'adhésion de la Turquie à
l'Union européenne ? Constitutionnellement, oui, politiquement, non. En vertu de
l'article 52 de la Constitution, " le président de la République négocie et
ratifie les traités ". Rien n'interdit donc à M. Chirac d'accepter ces
négociations. Rien sauf le fait que l'opinion publique française est fortement hostile
à l'arrivée de la Turquie dans l'Union et que les députés sont largement en phase, sur
ce point, avec leurs électeurs. C'est donc un problème majeur qui est posé au pouvoir
exécutif national. Peut-il, sur une question aussi importante que l'entrée d'un pays
musulman de 70 millions d'habitants dans une Europe dont il ne fait partie ni
géographiquement ni culturellement, engager la France sans l'approbation des citoyens ? La procédure naturelle en pareil cas est celle que prévoit la Constitution à son article 49 : " Le Premier ministre, après délibération du conseil des ministres, engage devant l'Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. " Or tout laisse penser qu'une telle procédure aboutirait à la mise en minorité du gouvernement et donc à sa chute. C'est la raison pour laquelle M. Raffarin, avec évidemment l'accord de M. Chirac, n'a accepté un débat à l'Assemblée qu'après le 17 décembre et qui plus est un débat sans vote. On ne peut plus effrontément s'asseoir sur la démocratie ! Mais on peut être certain que les choses n'en resteront pas là. Dans cette affaire comme dans la plupart des autres, le pouvoir va de recul en recul. Il a commencé par lancer l'idée d'un référendum sur l'adhésion de la Turquie dans dix ou quinze ans, quand l'affaire sera réglée et qu'il sera impossible de s'y opposer. Puis il a accepté le principe d'un débat à l'Assemblée, qu'il refusait auparavant. Gageons qu'il fera encore preuve d'inventivité pour échapper à la sanction de sa politique. Le problème de fond n'en restera pas moins posé et restera attaché comme un boulet à sa cheville. Car s'il est une loi immuable en démocratie, c'est bien celle qui veut que le pouvoir ait un jour ou l'autre à rendre des comptes au peuple quand il agit délibérément contre son opinion. Plus rien ne fonctionne On peut affirmer sans aucun risque d'erreur que si M. Chirac signe, au sommet européen du 17 décembre, sans l'aval du pays, l'ouverture des négociations avec la Turquie, il sera très rapidement amené à remettre son mandat en question. Nous entrerons en effet alors dans une phase de contestation permanente de la légitimité présidentielle qui rendra la France ingouvernable. Elle l'est en fait déjà depuis la triple défaite de l'UMP aux élections du printemps dernier. Et on le constate à tout moment en observant la façon dont le gouvernement de M. Raffarin recule face à la moindre contestation quelque peu organisée. En fait on en est arrivé, en France, au moment où le pouvoir se voit présenter la facture de plusieurs décennies de mépris du peuple et de négation de la démocratie. Beaucoup d'observateurs ont peine à imaginer que les citoyens soient capables de sortir de leur torpeur. C'est qu'ils ne voient pas, étant eux-mêmes étroitement liés au pouvoir politique, à quel point celui-ci est coupé du pays. Ils se fient au résultat des élections et au fait qu'elles ne provoquent pas de véritables bouleversements pour en inférer une imaginaire représentativité du pouvoir issu des urnes, oubliant que ces consultations sont fondamentalement viciées par les conditions de candidature, le mode de financement politique et l'étroit contrôle des médias. L'histoire est fertile en séismes que nul, dans les allées du pouvoir, n'avait prévus. L'aveuglement que celui-ci produit sur ceux qui l'exercent est une constante, à laquelle seuls quelques hommes d'exception savent échapper. Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour comprendre qu'aucun de ceux qui, dans les partis officiels, aspirent aux fonctions suprêmes, n'est doté de telles qualités. Lorsque les temps sont tranquilles, un pouvoir mal assuré de la confiance du pays, peut se maintenir vaille que vaille. Mais voilà : en France, plus rien ne fonctionne. L'économie est en panne et le petit regain de croissance qu'on enregistre n'est dû qu'aux dépenses publiques et aux ponctions que les Français opèrent sur leur épargne. L'endettement public devient astronomique, les comptes sociaux tournent au cauchemar, l'insécurité ne régresse que dans les statistiques truquées et grâce à l'occultation dont elle est l'objet dans les médias, et la France sent bien que l'avenir lui échappe. Aucun redressement ne se fera avec un tel système et de tels hommes. Une fois de plus, la France va prouver qu'elle ne peut se réformer qu'à grands coups de boutoir. C'est à une telle occurrence qu'il faut activement se préparer. Le pouvoir sera bientôt vacant et toutes les aventures sont à craindre. C'est pourquoi tous ceux qui réprouvent les pratiques actuelles de la classe politique et qui sont fermement attachés à la démocratie doivent dès maintenant se réunir et se mettre d'accord sur un programme de salut public. Nous en avons jeté les bases et les lecteurs de notre site peuvent en prendre connaissance. Nous sommes évidemment ouverts à toute discussion à son sujet, mais il faut aller vite. Il est plus tard que beaucoup le croient ! Claude Reichman
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