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29/10/11 | Fred Smith et Iain Murray |
L’Europe se sauvera par la concurrence entre Etats Tous les jours, les dirigeants de la zone euro présentent un grand plan pour prévenir de futures crises budgétaires ou financières menaçant la monnaie unique. C’est ce que l’on nous raconte. Et l’on y inclue la tarte à la crème d’une union fiscale prétendument tirée du modèle américain. Les politiciens, à Paris, Berlin et Bruxelles, estiment que l'Europe a besoin d’une centralisation budgétaire pour gérer son union monétaire. Sans surprise, les partisans du renforcement de l’État dans la sphère économique sont fortement en faveur de cette approche, en vue d’une plus grande «union économique». Mais la création des États-Unis d'Europe, en alignant les taux d'imposition irlandais sur ceux de l'Allemagne, ou en faisant payer aux citoyens néerlandais les taxes et impôts français, serait la mauvaise réponse à un problème mal posé, et une mauvaise façon pour l'Europe de prendre l’Amérique en exemple. Oui, les États-Unis sont à la fois une union monétaire et budgétaire, mais la situation économique de nombreux États ou municipalités américaines n’est pas sensiblement meilleure que celle qui prévaut dans les pays en difficulté au sein de l'Europe. Les responsables politiques européens et américains ont adopté des politiques économiques insoutenables, et elles sont attaquées par les marchés qui parient contre elles. Si les Européens affaiblissent davantage le rôle des marchés et la responsabilité politique à travers un nouveau système de transferts fiscaux entre gouvernements nationaux, ils ne feront que retarder les ajustements douloureux mais inévitables qu’exigent les erreurs du passé. Les gouvernements de Grèce et du Portugal ont trop dépensé et promis des
retraites et des prestations de santé trop généreuses. Le résultat est
l'insolvabilité de ces États. Des problèmes similaires affectent de nombreux
États et villes américaines dont les coûts d'emprunt augmentent en flèche.
L'Amérique est à la fois une union monétaire et budgétaire, mais elle a peu
agi pour régler ses problèmes budgétaires. Ce qui a sauvé l'Amérique de
crises semblables dans le passé, c'est l'idée et la pratique d’un
«fédéralisme concurrentiel». Par ailleurs, les politiciens de Californie auront du mal à trouver une aide à Washington. Les politiciens nationaux aux États-Unis n'ont pas explicitement renfloué les États ou les localités insolvables, sauf si l’on prend en compte la politique d’assouplissement de la Réserve fédérale. Cet arrangement a de profondes racines historiques. Après la guerre révolutionnaire en Amérique, le gouvernement fédéral a assumé les dettes de guerre du gouvernement national pré-constitutionnel et des gouvernements des anciennes colonies. Lorsque huit États ont fait défaut sur leur dette dans les années 1840, et lorsque l'Arkansas a fait de même en 1933, il n'y a pas eu de sauvetage. Ces emprunteurs publics ont dû prendre des mesures drastiques pour regagner leur compétitivité et la confiance des créanciers. C'est la discipline et non pas l'union monétaire et budgétaire qui donne aux États fédérés une forte incitation à contrôler leurs dépenses, leurs emprunts et leurs réglementations. Le système fiscal américain accorde une responsabilité considérable aux États fédérés. Ils gèrent leurs dettes dans une monnaie commune, mais cela ne dilue en rien leur responsabilité à l’égard de ces dettes. Récemment, le comté de Jefferson en Alabama, avec une population plus grande que le Luxembourg, est devenu insolvable, mais il a travaillé avec ses créanciers pour parvenir à une restructuration ordonnée de sa dette. Le risque de contagion a contraint l'État de l’Alabama à lui fournir une assistance, mais la responsabilité première pour résoudre le problème incombe au comté et non pas à l'État d’Alabama ou à l’État fédéral. Les incitations pour éviter un défaut complet étaient élevées, et le comté et ses créanciers ont partagé les pertes. L’erreur de l'Europe ne fut pas l’absence d’une union fiscale lors de la création de l’union monétaire, mais d’avoir harmonisé trop profondément et trop rapidement l’organisation du marché commun. Le principe de l'acquis communautaire des droits auxquels doivent se plier tous les États membres de l'Union européenne est la racine des problèmes actuels de l'Europe. Il a déjà conduit à une telle accumulation de règles de décision au niveau fédéral que peu de questions économiques ou d'autres problèmes peuvent être résolus au niveau national. L’Amérique, avec ses États fédérés fonctionnant comme des laboratoires de la démocratie, n'a pas encore ce problème. Pourtant, l'administration Obama fait tout ce qu’elle peut pour européaniser l'Amérique. L'assaut de la réglementation dans la protection de l'environnement, l'assurance-maladie et le travail menace de submerger les États fédérés et de réduire leurs différences. À une époque où l'Europe aurait besoin de prendre exemple sur le modèle concurrentiel de l'Amérique, il semble que l'Amérique veuille répéter les erreurs de l'Europe. Récemment, le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a dit à Der Spiegel que «les législateurs doivent décider entre deux modèles : un modèle avec des membres autonomes, qui ne sont pas responsables pour les autres et sont disciplinés par le marché, et un modèle avec une intégration politique plus profonde. Il n'y a pas de milieu stable. » Il a raison. Si les dirigeants européens s’inspirent du modèle américain, ils doivent renforcer la discipline fiscale à travers la sanction des marchés. Toutes les tentatives européennes de parvenir à une discipline budgétaire grâce à une politique transnationale ont échoué. Si l'Europe veut apprendre quelque chose de l'Amérique, c'est la concurrence au niveau de l’État fédéré et des municipalités qui demeure le meilleur aiguillon pour discipliner les politiciens et garantir la création de richesse. Fred Smith et Ian Murray
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