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21/1/13 | Guy Sorman |
En France,
le pouvoir est à la merci de la rue ! L'Espagne et la France offrent actuellement deux leçons d'économie contradictoires qui devraient s'inscrire l'une et l'autre dans les annales de cette science. Du côté espagnol, nous constatons un effort réel et clair pour restaurer les conditions de la compétitivité des entreprises. Si le gouvernement espagnol persiste, et si le peuple espagnol ne perd pas patience, l'économie espagnole devrait à terme retrouver la croissance et l'emploi. En France, c'est l'inverse qui se produit. Bien que les conditions de départ fussent bien meilleures que celles de l'Espagne, avec une dette publique moins élevée, des taux d'intérêt plus bas et une gamme d'entreprises de niveau mondial, la politique économique de François Hollande plonge le pays dans la récession et le chômage. Ce destin dramatique n'était pas nécessaire, il n'est pas l'héritage de Nicolas Sarkozy mais le témoignage d'une incompréhension totale chez les dirigeants socialistes français, des principes élémentaires de l'économie réelle. Quand Hollande fut élu, en mai 2012, certains ont cru à droite comme à gauche (dont moi-même, je l'avoue) que Hollande serait comme on le disait à l'époque le Schroeder français : celui qui, parce que de gauche, mènerait à bien les modernisations nécessaires, comme la flexibilité du marché du travail et la réduction des dépenses publiques. Hélas ! Les socialistes français sont restés socialistes, du modèle le plus archaïque qui soit. Ainsi le gouvernement s'oppose-t-il systématiquement à toute fermeture d'entreprise et à tout licenciement, interdisant de fait les innovations et les reclassements de l'investissement comme des salariés. Des entreprises dans le secteur sidérurgique et automobile sont aujourd'hui contraintes de travailler à perte et de produire des pièces détachées qui ne trouveront jamais de débouchés. Comme à la grande époque de la planification soviétique. Pour persuader des entrepreneurs de persévérer, le gouvernement d'un côté menace de nationaliser, et par ailleurs promet des subventions qui seront alimentées par un Fonds d'aide à l'industrie : ce Fonds sera financé par une augmentation de l'impôt sur la consommation. On débat beaucoup en France de l'impôt à 75% sur les revenus supérieurs à un million d'euros par an, mais celui-ci ne concernera que quelques milliers de contribuables, à condition qu'ils n'aient pas encore fui vers la Belgique. On parle moins de l'augmentation à 45% du taux marginal, qui affectera cette année les cadres et professions libérales, et du 1% de TVA supplémentaire qui affecte les pauvres plus que les riches car les pauvres consomment plus, relativement à leurs revenus. Les socialistes, sous couvert de justice sociale et de maintien de l'emploi dans les métiers archaïques, organisent donc l'appauvrissement généralisé des consommateurs, la congélation de l'industrie et l'exil des entrepreneurs. Et contrairement à l'Espagne, à l'Italie et à la Grèce, le gouvernement
français n'a pour l'instant engagé aucune restriction des dépenses
publiques. Question de culture sans doute : les socialistes savent augmenter
les impôts mais ignorent comment réduire les dépenses de l'Etat, en grande
partie parce que les syndicats de la fonction publique constituent le socle
de leur électorat. En conséquence, il ne se crée plus aucun emploi privé en
France et même les jeunes diplômés se trouvent au chômage : la spirale
récessive est engagée comme conséquence mécanique de choix politiques. Il
n'empêche que François Hollande va répétant que 2013 sera l'année de la
"lutte contre le chômage" : une expression particulièrement absurde qui
laisse croire que l'on peut réduire le chômage par le discours tout en
créant les conditions objectives de son aggravation.
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