7 millions de policiers chinois traquent
les grossesses !
1,34 milliard de Chinois. Le Parti communiste chinois, ce jour, a annoncé
les résultats du dernier recensement, tout en réaffirmant la répression
démographique : pas plus d'un enfant par couple, assorti de quelques
exceptions pour les minorités ethniques.
Aucun des arguments avancés par le gouvernement n'a la moindre validité
scientifique. Ce n'est pas, en effet, en raison de la répression
antinataliste que la Chine progresse : des nations comparables croissent
aussi rapidement sans planning familial autoritaire et le nombre des
naissances y diminue spontanément. La répression chinoise, bien au
contraire, pose des bombes à retardement.
Avec l'enfant unique, qui prendra en charge une population vieillissante
alors qu'il n'existe pas de retraites ? Comment la Chine poursuivra-t-elle
une croissance indispensable pour absorber l'exode rural, alors que la
population d'âge actif va diminuer à partir de 2016 ? L'enfant unique, on le
sait, favorise la naissance des garçons en raison de l'avortement et de
l'infanticide des filles : il naît 120 garçons pour 100 filles. Par suite,
en 2020, 24 millions d'hommes en âge de se marier ne trouveront pas de
conjoints. On sait aussi que la répression démographique est une source de
violence contre la population : Chen Guangcheng est en résidence surveillée
depuis 2006 pour avoir dénoncé les millions d'avortements forcés perpétrés
par le planning familial dans sa province de Shandong.
La répression démographique est aussi une source supplémentaire d'injustice
sociale, puisque les parents fortunés payent sans peine l'amende qui
sanctionne les naissances au-delà du premier enfant Les pauvres sont
condamnés à l'avortement ou à donner naissance à des enfants clandestins qui
n'ont pas d'identité et ne pourront jamais être scolarisés. Enfin, tous les
experts en démographie chinois réclament l'interruption de la répression.
Pour quelles obscures raisons, le Parti réaffirme-t-il sa détermination ?
Les motifs de cette répression ne doivent plus rien à la démographie comme
science, ni à l'économie, mais doivent tout au caractère despotique du Parti
communiste. Le contrôle des naissances est un instrument de contrôle social
de la population : les agents, redoutés, haïs, du planning familial ont le
droit de s'introduire dans tous les domiciles et de contrôler tous les
comportements. Ces 7 millions de policiers des grossesses constituent une
force de police, héritée de l'ère maoïste: sous couvert de démographie
contrôlée, c'est en réalité le totalitarisme qui se perpétue. Et aussi,
inavouée, une croyance répandue dans le Parti en l'eugénisme. Les paysans
pauvres étant plus réprimés que les riches urbanisés et que les membres
influents du Parti, le planning familial contribuerait à réduire le nombre
de pauvres et à augmenter celui des riches.
Cette notion de patrimoine génétique, de "qualité" génétique reste très
ancrée dans la mentalité chinoise : la politique dite de l'enfant unique
permettrait donc de remplacer des mauvais Chinois par de meilleurs Chinois.
Tel est l'un des non-dits, mais déterminant, qui permet de comprendre, de
l'intérieur, des choix en apparence incompréhensibles du Parti : celui-ci,
comme en bien des domaines, avance masqué, animé par des idéologies qui
échappent à la raison occidentale.
Guy Sorman
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