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5/11/11 Irwin Stelzer
     Les politiciens de la zone euro traitent la dette
                                  par la dette !  

Je suis heureux d'annoncer que je vais acheter un milliard d’euros de titres émis par les gouvernements de la zone euro. Pas exactement les acheter mais les garantir à toute personne qui ayant le courage de le faire ne souffrira pas de la première tranche de pertes si les choses ne se passent pas aussi bien que prévu et que cela a été claironné par le tandem Merkel & Sarkozy. Je suppose que je dois mentionner que je n'ai pas vraiment ce trillion d’euros. Mais ne craignez rien : je prévois de faire un marché avec les Chinois. En échange de leur soutien financier, je promets de ne jamais plus prendre le thé avec le Dalaï Lama, de cesser de me plaindre des manipulations de leur devise nationale, et de me rabaisser de la manière qu'ils jugent appropriée.

Cette position de servitude crée un petit problème. Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe, a annoncé que l'Europe ne fera pas de concessions politiques en échange d'investissements dans le fonds de sauvetage parce que « nous ne supposons pas que nous devons donner à la Chine quelque chose en retour. » Son avis est partagé par le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble. Mais cela ne pose aucun problème pour moi. Dans la tradition éprouvée des déclarations d’intention de la zone euro, je vais simplement annoncer que mon arrangement avec les Chinois ne porte que sur une réciprocité décente et ne peut être définie comme une concession politique selon le terme utilisé par messieurs Juncker et Schäuble.

Un autre obstacle. Le président chinois Hu Jintao est peu enthousiaste, tant il l’a fait clairement entendre lors de sa visite en Europe avec une délégation de 160 personnes pour en apprendre un peu plus sur la technologie verte européenne. Lorsque le mendiant en chef Sarkozy et Klaus Regling, le directeur du fonds de sauvetage, se sont envolés pour Pékin pour proposer à la Chine qu’elle donne seulement 100 milliards d’euros de ses réserves de change qui s’élèvent à plus de 3 trillions, il leur a été confié par le vice-ministre des finances Zhu Guangyao de ne surtout pas évoquer un rôle possible de la Chine lors de de la réunion du G20 à Cannes.

Si nécessaire, je pourrais faire un peu d'argent en créant des véhicules d'investissement spéciaux (ces instruments tant décriés par les Européens lorsque les Américains s’en sont servis) en empruntant de l'argent à des pays lourdement endettés. La façon dont plus d'emprunt pourrait résoudre le problème d’un endettement excessif reste inexpliquée, tout comme la manière dont la Grèce pourrait éviter un défaut de paiement alors que les dépréciations acceptées par les banques la laissent avec une dette égale à 120% de son P.I.B. en 2020. Les Grecs peuvent être en colère mais ils ne sont pas stupides. Voyant que le défaut de paiement est inévitable et en supposant que le gouvernement ne tombe pas en premier, ils pourraient dire à Merkel, Sarkozy et Compagnie de reprendre leur programme d'austérité et de l’appliquer à Paris.

Doutez de tout ce que je viens de vous raconter et considérez la réaction des marchés. Après un épisode d'euphorie, les investisseurs obligataires ont réalisé qu'ils avaient été embarqués dans une visite financière équivalente à celle d'un village Potemkine. Le Fonds européen de stabilité financière n’a ni choqué ni rendu craintifs les marchés car on ne sait pas d’où sortira le trillion d’euros. Il n’est donc pas étonnant que les rendements sur les obligations italiennes et espagnoles aient augmenté malgré des rachats de la Banque centrale européenne. Les investisseurs ne croient tout simplement pas que le Premier ministre italien Silvio Berlusconi, confronté à un parlement houleux, puisse réaliser les réformes qu'il a promises. Cela a conduit le rendement des bons italiens de cinq ans à leur plus haut niveau depuis la création de l'euro en 1999.

Aucun observateur sérieux ne peut croire que le plan pour recapitaliser les banques en Europe, afin de les renforcer après la réduction « volontaire » de 50% de la valeur de la dette souveraine grecque, soit autre chose que de la poudre aux yeux. Les banques ont annoncé qu'elles peuvent répondre aux nouvelles exigences de fonds propres par une amputation des dividendes, des primes, des ventes d'actifs, et par une restructuration de leur bilan. La levée de capitaux ne serait pas nécessaire. Les banques sont aidées, bien sûr, par le fait que les régulateurs européens ont fixé l'objectif de recapitalisation à 106 milliards d’euros, alors que de nombreux analystes estiment que ce besoin est estimé dans une fourchette de 200 à 300 milliards.

Plus importante que le jeu de Ponzi, joué par les politiciens de la zone euro, est la déclaration faite par Simon Henry, le directeur financier de la compagnie Royal Dutch Shell, et la réaction des agences de notation. M. Henry affirme que son entreprise est moins préoccupée par « la tempête et la passion » associées à la chasse infructueuse pour lever de l’argent afin de renflouer les pays et les banques en difficulté que par la compétitivité de l'Europe. Le problème de l'endettement excessif, soutient-il, «ne peut être réglé que par la croissance économique, et nous ne voyons pas dans l'Union européenne les conditions propices pour y parvenir, mais plutôt le contraire." Il est, bien sûr, plus ennuyé par la décision de la France d’interdire la fracturation hydraulique pour extraire le gaz de schiste, mais il aurait pu ajouter que cela contrecarre un plan à long terme pour faire baisser les coûts de l'énergie et réduire la dépendance énergétique à l’égard de la Russie de Vladimir Poutine. Tapies dans l'ombre, les agences de notation ont dans le collimateur la France qui n'a pas eu un budget équilibré depuis plus de 30 ans.

Le lendemain du dernier sommet de la zone euro, M. Sarkozy a abaissé les prévisions officielles de croissance de son pays en 2012 à 1% contre 1,75% auparavant. Avec une cote de désapprobation de 69% et à la traîne de François Hollande, le candidat socialiste, de 20 points dans les sondages, M. Sarkozy s’accroche à la nécessité de conserver le triple A de la France. Mais en acceptant de garantir la dette des nations les plus faibles, M. Sarkozy a presque invité les agences à dégrader cette note.

Irwin Stelzer




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