Sur les
grands sujets, la droite et la gauche ont
beaucoup varié !
Il n’existe pas me semble-t-il, d’idée ou de valeur, de gauche ou de droite
en soi. Tout dépend des époques et des stratégies de pouvoir.
Quelques exemples :
- La Nation, la souveraineté nationale : aujourd’hui plutôt considérées
comme des valeurs de droite, elles étaient jadis les marques distinctives
des gauches européennes, contre les monarchies et les empires. La Révolution
française et les révolutions européennes du XIXème siècle se sont faites au
nom des Nations et ce sont les hommes de 1789 qui inscrivent la souveraineté
nationale dans la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen.
-La justice sociale n’était pas spécifiquement une valeur de gauche
jusqu’au XXème siècle. En France, sous la Troisième République, les radicaux
qui incarnent la gauche ne s’y intéressent pas, leur préoccupation
essentielle étant la lutte contre le cléricalisme. Un homme comme Alexandre
Millerand, marqué à gauche jusqu’aux années 1910, bascule à droite en partie
parce qu’il trouve la gauche trop timorée notamment sur les retraites
ouvrières.
-La colonisation a été impulsée sous la Troisième république par le
centre gauche – Thiers, Jules Ferry, Freycinet, Méline – au nom de la «
mission civilisatrice de la France (sic) », alors que la droite de
l’époque, les monarchistes, sont dans l’ensemble défavorables à cette
politique.
-L’égalité hommes-femmes ? La gauche radicale s’est opposée tout au long
de la Troisième République au vote des femmes, suspectées d’être sous
l’influence des « curés ». C’est le général de Gaulle, chef du gouvernement
provisoire de la République française, qui l’a enfin imposé en 1944.
-L’immigration : on a du mal à le croire mais la gauche française a
longtemps été fort réservée sur le sujet, contre le patronat favorable à
l’accueil d’une main d’œuvre bon marché. Dans la première moitié du XXème
siècle, ce sont le Cartel des gauches dirigé par Edouard Herriot (1924) puis
les gouvernements issus du Front populaire (1936-1938) qui prennent les
mesures de rigueur en matière d’immigration : voir mon article sur
l’histoire de la déchéance de nationalité. Le 6 janvier 1981,
L’Humanité publie une lettre de George Marchais selon
laquelle : « La poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves
problèmes. Il faut les regarder en face et prendre rapidement les mesures
indispensables. C’est pourquoi nous disons : il faut arrêter l’immigration,
sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage ». Le 10
décembre 1989, le président Mitterrand déclare: « En matière
d’immigration, le seuil de tolérance a été atteint ».
Les idéologies relèvent en grande partie des circonstances, des calculs, des
intérêts de pouvoir, des postures. L’essentiel, en politique, c’est-à-dire
l’organisation et la conduite de la cité, au sens noble du terme, tient à la
personnalité des dirigeants plus qu’à leurs idéologies qui sont la façade,
l’habillage des choses. Les paramètres qui font un homme d’Etat ne varient
guère, eux, en fonction des époques. Ils restent de tout temps à peu près
les mêmes : lucidité; courage; sens du bien commun; dynamisme; volontarisme;
créativité; capacité de dialogue et d’écoute.
Maxime Tandonnet
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