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9/4/08 Bernard Martoïa

Pour résoudre la crise des taxis parisiens, vendons les voitures de fonction des ministères

Réformer plutôt que révolutionner est et restera toujours la voie des libéraux pour sortir la France de l’ornière. Contrairement aux nostalgiques de la révolution qui aiment faire table rase de tout (lire à ce propos le très édifiant ouvrage collectif intitulé « Le livre noir de la révolution française » publié par les éditions Cerf), les libéraux qui sont vilipendés au pays de Bastiat s’attachent à trouver une solution qui satisfasse toutes les parties. C’est la formule incitative « gagnant, gagnant» et qui fait ses preuves partout où elle est appliquée de bonne foi. Cette condition est essentielle comme nous allons le voir.

A l’unisson, la presse française condamne le libéralisme qui est assimilé au laissez-faire (le fameux loup dans la bergerie), mais elle passe sous silence les méfaits dévastateurs des régulations. « Il est inutile au mouton de faire voter une loi en faveur du végétarisme quand le loup est d’une opinion différente » disait avec justesse Dean William Inge.

La critique est facile (tout le monde en conviendra) mais il est difficile de proposer des solutions qui tiennent la route. Dont acte ! Réformer demande autant de pédagogie envers les foules que de connaissance intime des mécanismes du marché qui sont relativement simples mais que nos dirigeants s’attachent à contourner tout le temps. La troisième voie est le Graal de nos élites qui refusent toujours de choisir entre capitalisme et socialisme.

Exemple à l’appui : la réforme des taxis envisagée dans le rapport Attali. Face à la pénurie évidente des taxis en région parisienne qui est, ne l’oublions pas, le fait de l’État en appliquant un numerus clausus pour faire plaisir à la corporation, le rapport en question préconisait d’octroyer une licence à tous les demandeurs pour répondre à la demande ! Cette proposition a été prestement retirée par le gouvernement devant la levée de boucliers qu’elle a suscitée. Pouvait-il en être autrement ? La proposition était une insulte pour des gens qui travaillent énormément pour rembourser leur emprunt. Entre 1999 et 2007, le prix de la licence s’est envolé de 89 550 € à 185 000 € ! Un bel exemple de bulle spéculative à l’instigation de l’État...

La proposition d’Attali est une spoliation des derniers entrants qui sont victimes d’un système mafieux instauré par les anciens. Cela ressemble étrangement aux pyramides qui ne profitent qu’à leurs auteurs. Le système de retraite par répartition n’est-il pas sa caricature extrême ? Les Français ne comprendront que le jour où leurs retraites ne seront plus payées. Ce jour se rapproche. La satisfaction intellectuelle d’avoir eu raison ne saura pourtant satisfaire les libéraux, spectateurs impuissants du naufrage de leur nation. Mais à qui la faute sinon aux communistes et à tous les partis qui leur ont emboîté le pas depuis 1945 ?

C’est Charles Pasqua qui a instauré, en janvier 1995, la loi pour faire plaisir aux taxis indépendants. Une fois de plus, l’intervention de l’État a engendré une pénurie. Une loi  peut en défaire une autre. Pourtant, il faut trouver une solution sans pénaliser ceux qui ont acheté à prix d’or cette fameuse licence. Un nouveau rapport, écrit par le préfet Chassigneux à la demande du ministre de l’Intérieur, a été présenté par le journal Le Monde dans son édition du 4 avril 2008. Aucun commentaire de ce journal qui ne veut pas expliquer à son lectorat comment fonctionne ce marché, pas plus d’ailleurs que n’importe quel marché, si ce n’est pour le discréditer à des fins idéologiques. Il est affligeant que ce journal soit encore la référence dans notre pays. Comme le précédent, ce rapport n’apporte pas de solution satisfaisante : il préconise une augmentation des licences pour pallier la pénurie. L’éclatement de la bulle poussera au suicide certains. Belle preuve de solidarité d’un gouvernement se préoccupant davantage de ceux qui glandent que de ceux qui rament et prennent des risques !

Il existe pourtant une solution libérale qui résoudrait, en quelque sorte, la quadrature du cercle. Il existe un parc automobile non négligeable dans les ministères. Pourquoi les directeurs des administrations et les membres des cabinets ministériels devraient-ils encore avoir une voiture de fonction à l’heure où la rigueur frappe les ménages français ? Comme l’État doit réduire drastiquement son train de vie pour revenir à l’équilibre budgétaire en 2012 - cela est demandé par nos partenaires européens membres de la zone de l’euro qui supportent avec équanimité nos déficits chroniques - il conviendrait de vendre ces voitures de fonction. Cette vente domaniale servirait à rembourser les emprunts contractés par les chauffeurs de taxi. C’est uniquement lorsque cette condition sera remplie intégralement, avec si nécessaire une injection pour apurer la dette de ces entrepreneurs qui ont pris de gros risques, que l’État pourra ouvrir le marché des taxis à la concurrence. Quant aux chauffeurs des ministères touchés par cette mesure de rigueur, il leur serait offert, en compensation de leur licenciement, une licence gratuite de taxi. Comme il est impossible de se procurer des statistiques (l’État est très discret en la matière), il est à parier que cet afflux providentiel de main d’œuvre sur le marché comblerait, en partie, la pénurie de l’offre.

Cette réforme libérale ne suffira pas à ajuster l’offre à la demande sur le long terme. La ville de New York a recours annuellement aux enchères pour équilibrer le marché. C’est aussi le système instauré depuis 1990 en Amérique dans le domaine de la pêche afin d’assurer la reproduction normale des bancs de poissons. La commission de Bruxelles continue de louvoyer avec les marins-pêcheurs alors que des espèces sont en voie de disparition. Il est à parier qu’un accord ne sera trouvé que lorsqu’il n’y aura plus un poisson en mer du Nord !

Les enchères sont toujours une meilleure solution que le droit féodal de Pasqua. N’oublions pas une règle d’or du marché : le taxi est au service de la clientèle et non pas l’inverse, comme cela est malheureusement le cas à Paris. A tout prendre, il vaut mieux plus de taxis en circulation que de clients mécontents. Au pays des corporatismes, cette loi d’airain du marché est loin de faire l’unanimité.

Et pourtant, tout un chacun peut constater les dégâts de ce droit féodal par l’allongement des files d’attente devant les gares parisiennes et les rixes qu’elles génèrent entre ceux qui attendent patiemment leur tour et ceux qui coupent la file d’attente pour prendre un taxi. C’est le comportement du passager clandestin, analysé par l’économiste américain Mancur Olson, et qui ne veut pas payer le prix d’un service, en l’occurrence le temps d’attente sur le trottoir parisien.

Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà, disait Pascal. Que l’on soit marxiste ou anarchiste rêvant de détruire le marché - nos vies ne valent pas leurs profits, selon la formule du postier de Neuilly qui fait florès - que l’on soit un nostalgique de mai 68 campé de nos jours par le bourgeois bohême qui aime afficher, dans les dîners en ville, son dédain du marché sans pour autant renoncer à ses petits privilèges et passe-droits, tout a un prix dans l’existence.

Bernard Martoïa

 

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