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28/6/08 Bernard Martoïa

Les Taxis de la Marne

Dans un essai paru en 1956 et intitulé "Les Taxis de la Marne", Jean Dutourd se lamentait de la décadence de la France sous la Quatrième République. Ce titre est emprunté à l'épisode célèbre de la Grande Guerre (les journées des 6 et 7 septembre 1914) lorsque le général Gallieni réquisitionna six cent taxis parisiens pour transporter les soldats sur le front de la Marne. Des unités allemandes n'étaient plus qu'à une cinquantaine de kilomètres de la capitale. Grâce à l'action énergique de ce général, notre capitale fut sauvée de justesse !

Jean Dutourd était un simple soldat en mai 1940. Après une semaine passée dans la nature en Bretagne en compagnie de quatre copains et du sympathique sergent alsacien dit Cepi qui veillait sur eux comme un grand frère, ces soldats français choisirent de se constituer prisonniers aux Allemands car ils ne savaient que faire de leur liberté, comme tant d'autres soldats abandonnés à leur sort par des généraux arrogants et incapables.

La lecture de cet essai est instructive car nous vivons une époque analogue à celle qu'a vécue, dans sa jeunesse, notre brillant académicien. Même constat d'impuissance et de désarroi... A propos du président Albert Lebrun, Jean Dutourd écrivait : "On ne se souvient guère de la carrière de M. Lebrun jusqu'à son élection à la présidence de la République. On sait toutefois qu'il est sorti premier de l'École polytechnique. C'était donc un brillant sujet. Mais cette belle place au début de sa carrière, et cette capitulation à la fin, sont très instructives. L'École polytechnique a enseigné la balistique et le calcul intégral à son major. Il n'y a point appris la fermeté de l'âme." Pratiquement tout est dit dans cette dernière phrase à propos du caractère de notre dernier président de la Troisième République, élu le 10 mai 1932, et renversé facilement le 10 juillet 1940 par le maréchal Pétain. N'est-elle point aussi symptomatique de la super élite qui sort de l'école nationale d'administration (ENA) et prétend veiller à nos intérêts ?

Oncle Jean eut la chance de recevoir une éducation patriotique : "Mon père ne connaissait que la France, et la gloire de son pays le remplissait de bonheur... Il m'était dévolu de ramasser le flambeau tombé des mains mourantes des soldats de Douaumont ; et l'idée que je devrais ressembler un jour à ces surhommes me remplissait d'appréhension." L'actuel président de la République s'apprête à supprimer 54 000 postes dans l'armée française. Après les coupes franches qui sont intervenues dans les ministères de la Justice et des Affaires Étrangères, il a donc décidé de liquider les fonctions régaliennes de l'État. En revanche ne sont pas concernés par la rigueur les ministères "nounous" qui n'ont aucun intérêt vital à la survie de notre patrie. Mais dans quel monde les Français croient-ils vivre ? Celui des RTT et de la couverture médicale universelle ? Celui de la grandeur évoquée tant de fois par le général de Gaulle ? Ou celui de Winston Churchill en juin 1940 quand il promettait du sang, des larmes et de la sueur à son peuple qui se battait le dos au mur ? La réponse ne faisant aucun doute, vous comprendrez la décision prise par le chef de l'État. Un homme d'État pense à l'avenir de son pays, un homme politique à sa carrière...

Cette décision de réduire nos dépenses publiques fera certainement plaisir à nos partenaires européens mais est-ce l'intérêt de notre nation de baisser la garde avec la montée des périls ? Pourra-t-on compter sur le Luxembourg ou la Belgique pour nous prêter main forte lorsque la guerre civile éclatera ? A quoi pensent également nos intellectuels et nos journalistes qui ne cessent d'appeler à la création d'un État palestinien au milieu d'un État d'Israël qui n'est pas plus grand que la Sardaigne ? Imaginent-ils un seul instant que le sort d'Israël puisse préfigurer le nôtre à courte échéance ?

A propos des intellectuels, Jean Dutourd écrivait ceci : " La culture du haut-de-forme, l'adoration du cuistre de faculté, pratiqués pendant soixante-dix ans, cela finit par marquer un peuple. C'est vers 1885, je crois, qu'a éclos le mot intellectuel, et que l'on s'est avisé que l'intelligence était une fin en soi, et non, comme on l'avait pensé jusqu'alors, un moyen d'obtenir de la gloire ou de la puissance. Divine découverte ! L'intelligence ne se jugeait plus aux résultats, mais au costume. L'habit sacerdotal de son grand-prêtre, c'était la redingote; sa crosse, le parapluie."

De nos jours, le grand-prêtre préfère porter des chemises blanches à col ouvert car il importe davantage de plaire que d'en imposer à une société allergique aux valeurs morales qui existaient en France avant 1968. Quarante ans auront suffi à liquider une nation millénaire qui était l'une des plus grandes du monde.

Bernard Martoïa

 

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