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25/1/09 | Claude Reichman |
De la tempête climatique à la tempête politique La violence gagne chaque jour du terrain en France. Il y a depuis longtemps la violence quotidienne dans les banlieues dont plusieurs centaines sont devenues des zones de non droit. Il y a depuis quelques jours la violence collective, celle des usagers de la SNCF exaspérés par les grèves permanentes et les défaillances à répétition du service public. Tout cela signe l’aggravation d’une crise française qui s’est depuis de longues années déroulée à bas bruit et qui maintenant éclate au grand jour. Le fond de l’affaire est fort simple. L’Etat, les collectivités territoriales et les organismes sociaux font vivre un nombre sans cesse croissant de Français, qu’ils emploient ou qu’ils assistent. A cet effet, ils prélèvent des sommes sans cesse croissantes elles aussi sur l’économie privée, au point que celle-ci, qui nourrit tout le monde, s’est progressivement essoufflée et qu’à présent elle agonise, ce qui provoque à la fois le chômage, la stagnation des salaires, la réduction des moyens de l’Etat, les déficits publics et l’endettement du pays. Or qui proteste ? Les fonctionnaires. Ceux qui précisément sont les moins touchés par la crise, parce qu’ils ont la garantie de l’emploi et que leurs salaires sont devenus supérieurs à ceux du secteur privé. Un sondage vient toutefois de redonner crédit à la vieille théorie de « la grève par procuration » qui tint le haut du pavé (c’est le cas de le dire) à l’occasion du mouvement social de l’automne 1995 contre la réforme des régimes spéciaux de retraite. En effet, les manifestations et les grèves prévues le 29 janvier prochain sont soutenues par 69 % des Français selon une enquête de l’institut CSA-Opinion que publie ce jour Le Parisien. Dans le même temps, des voyageurs de la gare Saint-Lazare, exaspérés par une nouvelle interruption du service (due cette fois à un accident de personne), ont voulu, le 23 janvier dernier, lyncher des employés de la SNCF qui n’ont dû leur salut qu’à une intervention des forces de police. En réalité, rien de tout cela n’est contradictoire. On assiste tout simplement à l’établissement de ce que le général de Gaulle appelait la chienlit et qui est le signe caractéristique de toute crise grave de l’Etat. La seule cohérence de ce type de situation réside dans le caractère général du mécontentement, qui finit par faire fusionner les protestations catégorielles en une puissante vague de rejet du pouvoir. Il est manifeste que la France est en train de se diriger à grands pas dans cette direction. On va assister à des épisodes violents de plus en plus graves et rapprochés, jusqu’à ce que l’un d’eux fasse exploser le baril de poudre qu’est devenu notre pays. Face à cet exceptionnel péril, de quels moyens l’Etat dispose-t-il ? De la parole de Nicolas Sarkozy et d’elle seule. Le président de la République parle tous les jours, le plus souvent pour ne rien dire, et en tout cas pour ne pas agir. Et selon une règle bien connue, plus il parle moins on l’entend. M. Sarkozy est parvenu à se faire élire en pratiquant une méthode consistant à mettre en scène médiatiquement un évènement par jour. Curieusement, Emile de Girardin, l’homme qui a vraiment « inventé l’entreprise de presse », comme l’écrit Jean Miot dans son ouvrage « La passion de la presse » (Rocher), avait « une devise qu’il affichera fièrement au-dessus de son bureau somptueux quand il aura acquis la gloire : “Une idée par jour” ». Oui, mais voilà : on ne dirige pas l’Etat comme un journal. Car s’il est vrai, selon l’adage de presse bien connu que « le quotidien de la veille sert à emballer le poisson du lendemain », il en va tout autrement de la conduite des affaires publiques, qui exige sérieux et constance et où la confiance ne s’acquiert que par des mérites répétés. A confondre l’un et l’autre, Nicolas Sarkozy se retrouve aujourd’hui plus isolé qu’aucun président de la République ne l’a jamais été. Une très forte tempête a soufflé sur le sud-ouest de la France. Le président de la République se rend aujourd’hui sur place, entouré de ses ministres. Où seront les uns et les autres quand la tempête politique se lèvera sur le pays ? Aux abris, évidemment. Oui, mais lesquels ? Alors le plus probable est qu’ils seront en fuite ! Claude Reichman
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