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21/9/09 | Claude Reichman |
Quand les Français honorent leurs tortionnaires ! Peu de peuples civilisés sont aussi maltraités par leurs gouvernants que les Français. Accablés d’impôts et de charges, méprisés dans leur expression, soumis à des vexations permanentes, insultés dans leurs convictions profondes au nom d’une générosité de façade à l’endroit de « toutes les misères du monde », traités en délinquants quand ils ne souhaitent qu’exercer leur droit de légitime défense, ils ont toute les raisons de mettre en œuvre celui de « résistance à l’oppression » que leur garantit la Déclaration des droits de l’homme figurant en exergue de leur constitution. Eh bien, c’est tout le contraire qu’ils font quand, à l’occasion des journées du patrimoine, ils se pressent en d’impressionnantes queues aux portes des palais officiels dans lesquels ils défilent, éblouis de tant de luxe et de beauté, en marmonnant leur admiration ! Alors quoi ? Masochisme, syndrome de Stockholm, lâcheté congénitale ou pure bêtise ? Un peu de tout ça, mais vraiment rien de glorieux, en tout cas rien qui soit susceptible de nous valoir la considération qui s’attache aux peuples libres. On touche ici du doigt la principale raison du mal français. Dressés à obéir à la puissance publique, qu’elle soit royale ou républicaine, les Français ne se révoltent que pour mieux continuer à ramper devant l’autorité. C’est chez eux un réflexe reptilien, au même titre que la peur ou la fureur. On peut dès lors douter de toute tentative d’installer un jour chez nous un régime de démocratie moderne. Et pourtant tous les moyens en sont réunis, à commencer par l’information, dont nous vivons les premières années du règne. Le 21e siècle en effet sera celui qui verra les différentes techniques de transmission des données et des idées s’imposer partout et marquer les sociétés de leur empreinte, comme l’industrie l’avait fait au siècle précédent. Et finalement la maîtrise de l’information, qui était jusqu’alors la prérogative des gouvernants et des puissants, va se banaliser si bien que le citoyen du village le plus reculé du pays en saura autant que ces derniers, et en même temps qu’eux. Pour tout dire, c’est déjà le cas depuis quelques années en France, où le taux d’accès à l’Internet rapide et à la téléphonie mobile a connu une accélération plus forte que partout ailleurs, comme si nos compatriotes cherchaient à rattraper les décennies perdues à obéir sans comprendre et à se laisser maltraiter par mieux informés qu’eux. C’est là que réside l’espoir dans une évolution - ou plutôt, tranchons le mot, par une révolution - de notre mode de réflexion collectif et de notre comportement politique. Le plus curieux est que le président de la République, en France, a choisi un mode de gouvernement qui, loin de prendre acte de ce changement fondamental, tente désespérément de l’étouffer. Mis en oeuvre par Alaistair Campbell, le spin doctor de Tony Blair, et quelques autres gourous médiatiques, le procédé consiste à saturer les médias par d’incessantes initiatives de communication, de façon à permettre au chef de l’Etat ou du gouvernement d’« imposer son calendrier » aux médias, lesquels n’ayant plus le temps de respirer sont empêchés de traiter tout dossier gênant pour le pouvoir. C’est cette méthode que Nicolas Sarkozy utilise depuis 2002 et qu’il a lui-même intitulée « un évènement par jour ». Elle se manifeste cette semaine encore, où le président de la République est en déplacement pendant cinq jours au Etats-Unis, par une interview qui sera diffusée au milieu de son séjour à l’étranger, comme si M. Sarkozy pensait que son pouvoir devait chanceler et disparaître à la moindre absence médiatique. Ce que contredit d’ailleurs son inhabituelle discrétion au mois d’août dernier, qui lui a valu une appréciable remontée dans les sondages, aussitôt effacée, taxe carbone aidant, par une brutale rechute après quinze jours de présence continue au septembre ! Entre la désinformation, telle que pratiquée systématiquement par le pouvoir en France, et l’information, telle que la permettent les moyens modernes de communication, la bataille ne peut tourner qu’à l’avantage de cette dernière. Les conséquences politiques s’ensuivront inévitablement. Et elles ne seront pas à l’avantage des tortionnaires ! Claude Reichman
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