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Monopole : tout le monde savait

10/7/04 Claude Reichman
La fin du monopole de la Sécurité sociale n'a été un secret que pour le bon peuple. Depuis 2001 au moins, les grandes entreprises françaises ainsi que les centrales syndicales de salariés étaient parfaitement au courant. Il suffit pour en avoir la preuve de se porter sur le site (www.istravail.com) de l'Institut du Travail, qui se présente comme " l'expert des relations sociales et syndicales ", indique qu'il est " en contact régulier avec plus de 300 entreprises ", a publié " 600 dossiers de suivi de l'actualité sociale " et se trouve " en contact permanent avec les organisations syndicales et patronales ".
Voici ce que tous les clients de l'Institut ont pu apprendre et peuvent lire sur son site depuis le 10 mai 2001 :

Le monopole de la Sécurité Sociale est abrogé

L'ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001, parue au Journal officiel du 22 avril 2001, a abrogé le monopole de la Sécurité sociale.

En droit, ce monopole était abrogé depuis 1992, quand deux directives européennes (92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992) instituaient la liberté de l'assurance.

D'effet direct, ces textes étaient aussitôt applicables. Pour la bonne règle, les Etats devaient toutefois les transposer dans leur droit national avant le 1er juillet 1994. Avec un peu de retard, la France en transposa la partie qui concernait les sociétés d'assurances et les institutions de prévoyance. Restait tout ce qui avait trait aux mutuelles.

La Cour de justice des communautés européenne (CJCE), par un arrêt du 1er décembre 1999, condamna la France pour non application et non transposition complète des directives de 1992.

Se faisant donner par le Parlement le droit de procéder par ordonnance, le gouvernement fit paraître au Journal officiel du 22 avril 2001 le nouveau code de la mutualité, comportant les précisions qui permettront aux tribunaux de ne plus condamner lourdement les " assujettis " qui souhaitaient, comme la loi le leur permettait, de s'assurer librement pour la maladie, la retraite ou le chômage auprès d'une société d'assurances, une institution de prévoyance ou une mutuelle.

L'ordonnance du 19 avril dernier stipule, en effet, que les organismes gérant des régimes de sécurité sociale ne peuvent en aucune manière contraindre les affiliés à payer leurs cotisations. Alors que jusqu'à présent les " assujettis " étaient menacés de contraintes et de sanctions financières, le nouveau code réserve de lourdes sanctions pénales aux administrateurs des caisses qui ne respecteraient pas les nouvelles dispositions légales vis-à-vis des " assurés ".

On observera le silence médiatique qui accompagne une des plus grandes transformations de la réglementation sociale qu'ait connue la France depuis un demi-siècle.

Silence médiatique ? Vous avez dit silence médiatique ? Certes. Mais que dire du silence patronal ? De quoi les dirigeants des grandes entreprises françaises avaient-ils donc peur ? De ce que leurs salariés deviennent plus riches grâce à la baisse du coût de leurs cotisations sociales ? Ou de l'effondrement d'un système dont le Medef s'accommode fort bien, malgré ses indignations de façade ? Il se trouve qu'une autre fédération patronale, concernée au premier chef par l'ouverture à la concurrence de la protection sociale, la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) a toujours nié, au mépris de la vérité et même de l'évidence, l'abrogation du monopole de la Sécurité sociale. On comprend mieux aujourd'hui pourquoi. Ce complot de la France d'en haut contre la France d'en bas, comme dirait M. Raffarin, a fait perdre des centaines de milliers d'emplois aux Français et en a condamné autant au chômage. De cela, ils vont maintenant devoir rendre compte. A leurs salariés et, en même temps que les politiciens, au pays.

Claude Reichman

 

 

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