Tout ce que Trump ne sait pas !
Les peuples ont de la mémoire et de l’honneur. Trump ne le sait pas. Il a
conquis la présidence des Etats-Unis en faisant campagne contre les dérives
de la gauche américaine, qui avait elle-même oublié que tout le monde
n’habitait pas à New-York ou à Los Angeles et que le spectacle d’un homme
devenu femme était déshonorant pour une majorité d’Américains. En humiliant
Zelenski pour faire la paix avec un dictateur, il s’est comporté comme ceux
qu’il a chassés, c’est-à-dire des gens sans morale.
Depuis plusieurs siècles, les Etats-Unis sont à la tête du camp de la
liberté. Et ils ne l’ont jamais trahi. Jusqu’à ce jour où le nouveau
président a décidé de se lier d’amitié avec Poutine pour obtenir la paix en
Ukraine, et surtout pour avoir un allié dans sa rivalité avec la Chine. Les
changements d’alliance sont monnaie courante dans les guerres des nations.
Mais ils n’ont pas le même retentissement que lorsqu’il s’agit d’un choix
fondamental de société. L’expression courante pour désigner le camp
occidental est le monde libre. Rien n’a plus de sens pour nous, habitants de
nations éprises des principes des lumières, que cette notion de liberté. On
ne peut la piétiner sans conséquences.
La fracture du monde occidental provoquée par Trump peut avoir des
conséquences dramatiques ou même se réparer facilement. Il suffit que toutes
les nations libres soutiennent l’Ukraine pour que Trump perde son pari. Son
comportement est celui d’un homme d’affaires, qui change rapidement de pied
quand une affaire ne se fait pas. Trump n’est fort que de la faiblesse de
l’Europe. Celle-ci a cru que l’Union européenne était un sommet de
l’histoire. Elle n’en est qu’un évènement banal tant qu’elle ne s’est pas
constituée en puissance militaire face aux Etats de ce type. Car l’Union
européenne n’a d’existence dans le monde actuel que si les Etats-Unis sont
le garant ultime de sa sécurité. Elle n’est qu’un nain si l’Amérique
l’abandonne. Les Européens ont aussitôt compris la leçon de Trump et décidé
d’augmenter leurs budgets militaires. Il reste à le faire.
La France retrouve un rôle international dans cette circonstance. Encore
faut-il qu’elle se dote d’un président qui ne pense pas qu’à papillonner
pour se faire admirer des foules. Macron ne changera pas. Son narcissisme
lui est consubstantiel. Il ne lui reste que deux ans de mandat.
Heureusement. Il serait temps qu’apparaisse en France un véritable homme
d’Etat. Le moment est venu où cette nécessité se manifestera aux yeux des
citoyens. Notre pays ne devra pas seulement augmenter son budget militaire.
Il ne le pourra vraiment que s’il met un terme à son Etat providence ruineux
et à la société d’assistance qui en découle. Il s’agit là d’une « ardente
nécessité », comme De Gaulle le disait (à tort) du plan, qui ne pouvait être
qu’un facteur de paralysie économique dans un monde où le libre échange
était devenu la règle.
Tous les observateurs ont la même analyse : nous sommes dans un
changement de monde. Reste à savoir dans quel monde nous entrons. Une fois
de plus dans l’histoire de l’humanité, c’est la technologie qui provoque le
changement. Le cheval a été domestiqué il y a cinq mille ans dans une région
correspondant à l’actuelle Ukraine. Il a dominé la guerre pendant cinq
millénaires en portant les cavaliers jusqu’à ce que le moteur à explosion,
au début du dix-neuvième siècle, donne naissance à un autre mode de
transport et de combat. En ce vingt et unième siècle, c’est l’informatique
qui change le monde. Son dernier avatar est l’intelligence artificielle, qui
vous permet de tout savoir (ou à peu près) et donc de vous passer de
connaissances, puisque vous les avez à portée de main, sauf si vous avez
perdu votre téléphone portable. Evidemment on pense au naufragé de l’île
déserte qui doit, sans son téléphone, tout redécouvrir et qui se retrouve
soudain frère de lait de Platon et d’Aristote, mais sans l’éducation
qu’eux-mêmes avaient reçue. Alors, il vous plaît, ce monde-ci ?
Et ce n’est pas fini. Avez-vous remarqué que dans les familles on ne se
parle plus ? Non qu’on soit fâché, mais on a des contacts avec tant de
monde, grâce à notre ordinateur et aux réseaux sociaux, qu’on ne voit plus
ce que notre tonton ou notre tata, ni même notre papa ou notre maman
pourraient avoir à nous dire. Pour ne pas parler de notre pépé ou de notre
mémé. Si à un appel téléphonique vous répondez par « où es-tu ? »,
attendez-vous à une réponse telle que « au Vanuatu », ou même, bien pire, «
en bas de chez toi », ce qui vous obligera à l’inviter à monter. Et une fois
là-haut, tout pourra recommencer comme avant, sous-entendus, vacheries,
engueulades. Au fond, rien n’a changé. Il suffit de se voir.
Alors Trump ou un autre, le monde change. Le tout est de maintenir le cap
de la civilisation, et au premier chef celui de la liberté. Le monde est
plein de gens qui veulent sauter sur vous pour vous assujettir. Notre devoir
d’êtres civilisés est de ne pas nous laisser assaillir, car l’issue de cet
affrontement est toujours une atteinte à notre liberté. Et par contagion à
la liberté des autres, car celui qui vous a fait prisonnier ne s’arrêtera
pas en si beau chemin. Il vaut donc mieux l’arrêter avant qu’il ne commence.
Trump doit être prévenu. Nous avons de la mémoire. Et c’est l’honneur de
notre société.
Claude Reichman
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