Refaisons
de la France un rêve français !
La
France est en fait un rêve français. Celui qui vous permet de régner sur un
morceau de planète idéal. Un pays à l’infinie variété de paysages, protégé
par des frontières naturelles, et au climat tempéré. Un pays où il fait si
bon vivre qu’on ne peut imaginer sort meilleur que d’y habiter. Un pays où
les meilleures cultures ont su s’intégrer et faire de son peuple le plus
intelligent de la terre. Et vous voudriez qu’un tel paradis n’ait pas un
Etat fort ?
L’Etat, en France, est un propriétaire. Tout ce qui fait la joie de vivre
dans ce pays lui appartient. Du moins est-ce ce qu’il pense. De ce fait, le
citoyen qui voudrait vivre à sa manière, et non selon les canons de l’Etat,
est par nature un être haïssable aux yeux non seulement de celui-ci mais
aussi de tous ceux qui lui ont juré fidélité, par obéissance ou par intérêt.
Aucune révolution n’a pu vraiment prospérer en France. L’Etat est resté ce
qu’il est, immuable dans sa permanence, mieux dans son éternité.
Voilà pourquoi on trouve de moins en moins de Français qui nourrissent
l’espoir d’un changement. Certes beaucoup protestent, et même injurient le
président, mais que font-ils pour que cela change ? Rien. Vous êtes bien
sévère, me reprocheront certains, que peut-on faire quand au moindre regard
de travers on est traduit en justice ? Il est vrai que pour un oui ou pour
un non, on a droit au code pénal qui punit la moindre peccadille d’au moins
un an de prison et de quinze mille euros d’amende. Ce code a été rédigé au
début de l’empire pour asseoir sa domination, et a été à peine modifié dans
son esprit par la suite. Le code pénal est le texte qui permettait de punir
les Français récalcitrants, et il l’est resté, même s’il lui arrive de punir
des malfaiteurs.
Les Français ont eu la chance insigne d’avoir des réformateurs qui ont
imaginé de construire un ensemble européen. Et qui l’ont fait. Mais ce sont
aussi des Français qui ont saboté méthodiquement la construction européenne.
Pour ne prendre qu’un exemple, les réformateurs ont voulu un ensemble
européen où règne la liberté des échanges. Il n’y avait rien de mieux pour
se libérer des pesanteurs et des archaïsmes. La France s’est emparée du
service juridique de la Communauté et a rembarré ceux qui entendaient se
prévaloir de ces nouvelles libertés. Les autres Etats membres ont laissé
faire, sachant que finalement le poids de la France, alliée à l’Allemagne
dont l’économie profitait largement de la situation, l’emporterait.
La réforme exige qu’on ait le pouvoir et qu’on le garde assez longtemps. Les
réformateurs n’ont pas eu cette chance. Les échecs européens, dus
essentiellement à notre pays, ont créé à l’intérieur de celui-ci un courant
qui se dit « souverainiste » et qui a ceci de particulier qu’il est
incapable de dire en quoi consisterait la souveraineté qu’il appelle de ses
vœux. Pour l’excellente raison que les Français ne veulent quitter ni
l’Union ni l’euro et que les partis les plus hostiles à ces derniers ont
renoncé à réclamer ce départ. Alors souverain sur quoi ? Mais voyons sur
l’Etat, où s’accomplissent le mieux les destins de ceux qui n’ont pas les
qualités nécessaires à une réussite civile. Régner sur les Français, voilà
l’ambition des politiciens en France. Et non améliorer la vie de leurs
compatriotes, pour lesquels ils n’ont pas la moindre affection.
Alors y-a-t-il un remède au mal français ? Oui, évidemment. Il réside dans
la bataille juridique pour faire appliquer les libertés européennes. Les
juges français ont jusqu’à présent résisté farouchement à l’application des
lois de liberté. Tout comme les gendarmes gardent l’Elysée et les bâtiments
officiels. Jusqu’au jour où un craquement aura lieu dans leurs rangs. Et ce
craquement est proche. Il se nomme la conscience. On ne peut pas
éternellement servir un Etat qui se moque des individus. Cela s’appelle une
forfaiture. Et celui qui la commet encourt l’opprobre, qui sera transmis à
sa famille de génération en génération. Voyez comme il est difficile à
supporter de descendre d’un collaborateur sous l’occupation.
L’Etat n’a pu durer en France qu’au prix de son renoncement aux grands
principes de notre civilisation. Les respecter ne le fera pas disparaître.
Mais il aura une nouvelle relation aux Français. Evidemment, cela changera
nos fonctionnaires et ceux qui les commandent. De petits chefs ils devront
se transformer en serviteurs de la nation. Ils devront avoir ravalé leur
mépris de tout ce qui n’est pas l’Etat et encourager à tout moment la
réussite du secteur privé. Qui est le seul à pouvoir leur garantir une
situation respectable. En somme, c’est un changement de rôle qui ne se
produit pas souvent dans l’histoire.
La France doit pouvoir rester un rêve français. Parce que c’est notre pays.
Que les liens charnels que nous avons tissés avec lui ont plus de force
qu’aucun autre. Parce qu’ils sont la composante essentielle de l’histoire
humaine. Homo sapiens a le regard toujours fixé sur la ligne d’horizon. Mais
il ne rêve au fond que de « vivre entre ses parents le reste de son âge ».
Un poète l’a superbement dit. Il était français !
Claude Reichman
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