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4/1/09 Ph. Even,
B. Debré

Urgences : une maltraitance

L'engorgement des lits aigus par les malades qui ne devraient plus y être, mais y sont toujours, ne permet pas d'y accueillir les urgences à hospitaliser. « Une situation d'embolie » J. Chirac, février 2002.) Et qui dure depuis quinze ans, s'accentuant tous les jours. C'était déjà comme ça avant les 35 heures, qui n'ont rien arrangé.

Dès lors, deux solutions, soit les « caser » dans des services qui disposent de quelques lits, mais qui sont souvent inadéquats, par exemple en chirurgie pour des malades médicaux. Et personne dans ces services n'accepte de les prendre en charge, faute de médecins et d'infirmières, au point qu'il faut organiser des tours de garde pour que des internes d'autres services de la spécialité adéquate viennent s'en occuper, en grognant contre ce surcroît de travail alors qu'ils sont déjà débordés dans leur propre service. Il faut le dire, dans ce système, les malades perdent des chances. Quelques uns tous les jours. Multipliés par 365.

Deuxième solution, transférer le malade dans un autre hôpital, public ou privé, proche ou éloigné, en fonction des disponibilités de places, qu'aucun service centralisé ne se donne la peine de recenser en temps réel et qu'il faut découvrir en multipliant les appels téléphoniques, parfois une vingtaine dans un, deux, trois, quatre hôpitaux et cliniques. Et la place sera d'autant plus difficile à trouver que le malade est plus âgé et atteint d'une affection plus chronique, qui laisse prévoir une longue hospitalisation.

Dès lors, plutôt que de s'occuper du flux des urgences qui ne cessent de se présenter et attendront donc des heures, médecins et infirmières du service d'urgences vont passer des dizaines et des dizaines de minutes pendus au téléphone, ressassant plusieurs fois l'histoire de ce malheureux dont personne ne veut, pour le caser dans un autre hôpital qui, parfois, au dernier moment, le refusera, en constatant qu'il est plus âgé et plus grave qu'on ne l'avait dit au téléphone.

Car pour caser le malade, il faut mentir. Enjoliver son histoire. Le rajeunir. Une absolue et humiliante maltraitance. Une histoire de tous les jours. Et voilà ces malades qui tournent en ambulance, brinqueballés d'un hôpital l'autre, jusqu'à ce qu'enfin une place se dégage. Ces histoires d'urgences lamentables, tous les lecteurs les connaissent et quelques uns les ont vécues. Ou les vivront.

Car ça continue, aggravé par les 35 heures, parce que 15 % de lits de médecine sont fermés en année pleine et un tiers l'été, par exemple 34 % à Beaujon. Et voilà tous les jours (histoires vraies) les malades parisiens satellisés d'Argenteuil à St Denis, de Paris à Thiais, Brunoy, Marne la Vallée et même Dreux, ou comme à St Antoine, hospitalisés à 11 dans une salle commune, sur des bâts flancs ou des civières, serrés, hommes et femmes, les uns contre les autres. À 1000 euros/jour ! Ce spectacle, offert par l'AP HP, se donne tous les soirs. Faute de lits, ils passent dans le service « porte », en box ou en chambres, et devraient n'y rester que quelques heures, mais y stagnent plusieurs jours, parfois plusieurs semaines. Et c'est pareil à Nantes, 6 heures d'attente en moyenne, à Nîmes, où il faut transférer des malades par hélico à Montpellier, quand d'autres arrivent de Montélimar, toujours par hélico, parce qu'il n'y a plus de place à Lyon. Le chef de service des urgences de Gonesse démissionne, celui de Nîmes menace de fermer les urgences, 29 chefs de service de St-Malo démissionnent en bloc, les pédiatres de Necker, le plus grand hôpital d'enfants de France, annoncent qu'ils n'ont plus les moyens de remplir leur mission, les hôpitaux de Montreuil et Pontoise ne pourront accueillir les urgences fin juillet, faute de médecins, les chefs de service d'urgences de Pontoise et Gonesse tirent violemment la sonnette d'alarme : « La santé des malades est enjeu, on leur fait courir des risques graves. »

Pr Philippe Even, Pr Bernard Debré

 

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