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6/7/08 Bernard Martoïa

Uribe joue la carte McCain

John McCain, le sénateur de l’Arizona et candidat républicain à l’élection présidentielle, a effectué une courte tournée, du 1er au 3 juillet 2008, en Amérique latine. Il s’est contenté de visiter deux pays : la Colombie et le Mexique.

Accusant un retard de six points dans le premier sondage d’opinion réalisé après le retrait définitif de la course à l’investiture dans le camp démocrate du sénateur de New York (confer mon article du 8 juin 2008 intitulé « Le 44e président des Etats-Unis aura du pain sur la planche »), John McCain se devait de relever le défi que lui pose son jeune adversaire.

A la veille de son voyage aux Amériques, McCain n’avait pas eu honte de se déclarer « I am an underdog » (le perdant d’avance) par rapport à celui que, faut-il le rappeler, la presse libérale américaine donne largement vainqueur. Comme leurs homologues européens, les journalistes américains rêvent d’une victoire éclatante du sénateur de l’Illinois. Elle serait une revanche après huit années à manger son chapeau… « L’arrogance a changé de camp » a dû se dire l’ancien prisonnier de guerre. Dans la lexicologie américaine, un prisonnier de guerre est réduit à un acronyme : P.O.W (prisonner of war)

Lors d’un sermon délivré le 25 mai 2008, à l'occasion de Memorial Day, à l’église américaine de Paris, le pasteur Axel Aronis, originaire de Cincinnati dans l’Ohio, nous a parlés des P.O.W qu’il a connus pendant la guerre du Vietnam. A cette époque, notre pasteur servait comme chapelain dans la flotte américaine. Il a évoqué, sans verser dans la sensiblerie, les sentiments divers éprouvés par les prisonniers à leur libération. Un tel voulait se brosser les dents. Il a utilisé un tube entier de pâte dentifrice, puis un autre ! On ne peut comprendre la réaction des gens qui ont souffert le martyre pendant des années.

Le pasteur sait nous entretenir de choses graves tout en restant jovial. Il nous a aussi parlé du capitaine McCain. C’était la deuxième fois qu’il le faisait après un sermon délivré en début d’année lorsque la campagne des primaires avait commencé. Le père et le grand-père de McCain furent des amiraux de la marine américaine. Quand ses geôliers découvrirent qui il était, ils voulurent s’en servir comme monnaie d’échange. John refusa leur ignoble marchandage : « Je ne partirai que lorsque le dernier soldat américain sera libéré ! » Sacrifier sa vie pour ses camarades n’est-il pas le plus bel exemple de civisme ? Cela devrait émouvoir tout un chacun, mais ce n’est malheureusement plus le cas dans une France déchristianisée où l’on constate une inquiétante inversion des valeurs. « Moi je » est sur toutes les langues de la génération née après mai 1968. Exemple pathétique cette semaine de cette inversion des valeurs en France : une assistance sociale est menacée de sanctions alors qu’elle a effectué son devoir civique en dénonçant à la police la présence d’un clandestin. Comme l’écrit cette semaine avec beaucoup d’humour Guy Milliere dans l’édition du 2 juillet 2008 de la gazette des Quatre Vérités, la France est devenue la patrie du roi Ubu.

Notre pasteur s’apprête à regagner Cincinnati dans l’Ohio, qui est l’État surnommé « la mère de tous les présidents. » Sur les quarante-trois présidents des États-Unis, sept sont en effet originaires de cet État clé de l’Union : Ulysses Grant (1869-1877), Rutheford Hayes (1877-1881), James Garfield (1881), Benjamin Harrison (1889-1893), William McKinley (1897-1901), William Taft (1909-1913) et Warren Harding (1921-1925) Comme je l’écrivais précédemment, aucun candidat n’a remporté l’élection présidentielle sans l’Ohio. Obama a perdu contre Clinton dans l’Ohio. Cette campagne ressemble nolens volens à celle de 1988 quand Michael Dukakis, le gouverneur du Massachusetts, caracolait en tête des sondages. Bush père était donné perdant par les enthousiastes journalistes libéraux. L’enthousiasme est le péché congénital de la gauche qui prend toujours ses désirs pour des réalités.

Le choix de McCain de visiter la Colombie n’est pas le fruit du hasard, pas plus que ne l’est, d’ailleurs, la libération des trois otages américains pendant sa visite au président colombien…N’en déplaise à l’immense majorité des Français victimes d’une schizophrénie collective, il y a des forces en jeu qui dépassent le simple cadre des relations franco-colombiennes. En se rendant à Bogota, McCain a voulu rendre hommage à un président hors du commun. Le père d’Alvaro Uribe Vélez a été assassiné en 1983 par les guérilleros marxistes des FARC (forces armées révolutionnaires communistes) dans une prise d’otages. Le père a payé de sa vie cette prise d’otages qui a avorté. A cause des guérilleros communistes et du trafic de drogue auquel ils se livrent, la Colombie est encore sur la liste rouge des sénateurs américains. Accompagné du sénateur Lindsey Graham (républicain de la Caroline du Sud) et du sénateur Joseph Lieberman (indépendant du Connecticut), John McCain, le sénateur de l’Arizona, a voulu faire avancer le dossier de la Colombie qui fait toujours l’objet de sanctions économiques et financières de la part de son pays. C’est un noble geste qu’il a accompli envers un président méritant qui a été réélu avec une majorité de voix de 62 %. C’est avant tout sa politique de fermeté à l’égard des preneurs d’otages qui lui a assuré sa réélection triomphale. Si la gauche caviar en France ne s’intéresse qu’à la libération d’une personne aisée et qui s’est jetée volontairement dans la gueule du loup, le président colombien se comporte comme un homme d’État. Il se préoccupe du sort de milliers de ses compatriotes (des gens ordinaires) qui sont victimes de la barbarie des communistes. Où est passé dans cette affaire d’otages hyper médiatisée l’égalitarisme professé par nos penseurs ?

Nul doute que le président Uribe ait profité de la visite de McCain pour tenter un coup d’éclat. Il a réussi. Son audace a été récompensée au-delà de l’imaginable : pas une goutte de sang versée pour cette opération à haut risque ! Que n’aurait-on entendu s’il avait échoué ? Mais vivons-nous encore dans le réel lorsqu’un sondage du Figaro, paru ce jour, montre que 56 % des Français considèrent que Paris (le président) a joué un rôle important dans la libération des otages ? Oui, cher Guy Milliere, la pataphysique progresse à pas de géant au pays de Descartes…

Bernard Martoïa

 

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