« Vous
voulez aller en prison, Monsieur Blanc ? »
Depuis 2011, Planète Lyon vit un cauchemar administrativo-judiciaire
qui menace désormais le magazine. Aymeric Blanc, rédacteur en chef de
Planète Lyon, vous explique tout.
Dimanche 10 avril 2011, OL-Lens, 30e journée de Ligue 1, stade de
Gerland : j’ai créé le magazine Planète Lyon il y a un an et demi et
pour me faire connaître, j’organise avant la rencontre une séance de
distribution de flyers promotionnels du nouveau numéro de printemps du
magazine avec Claude Puel en couverture. Et pour m’aider à distribuer
ces tracts, je fais appel à mes deux cousins et trois de leurs amis à
qui je donne 20 euros chacun pour les remercier de leur aide pendant
deux heures. Sauf qu’une équipe de l’Inspection du travail effectue
alors un contrôle à Gerland. Je reconnais tout de suite mon erreur
devant les deux inspecteurs du travail qui m’ont convoqué quelques jours
plus tard dans leurs locaux de Villeurbanne, plaidant notamment la bonne
foi car, jeune entrepreneur de 30 ans à l’époque, je ne savais même pas
qu’on pouvait déclarer un salarié pour une mission de seulement deux
heures. Je demande alors à mes deux interlocuteurs quelle suite cette
affaire pourrait avoir. Ils me répondent : « On peut transmettre à
l’URSSAF… ou pas. »
L’URSSAF, c’est l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité
sociale et d’allocations familiales. Je repars donc de ce rendez-vous un
peu soulagé : en effet, comme il n’est pas sûr que ce dossier soit
transmis à l’URSSAF, mon affaire ne doit pas être trop « grave ».
Du coup, pas une seule seconde, je m’imagine alors que l’URSSAF
Rhône-Alpes va exiger ensuite que Planète Lyon paye… 21 344 euros
d’amende pour « travail dissimulé ».
21 344 euros d’amende pour un tractage de deux heures représentant 100
euros ? J’ai d’abord cru à une erreur ou à une blague d’un contrôleur de
l’URSSAF stéphanois. Mais j’ai ensuite découvert avec stupéfaction que
la loi prévoit dans ce type de cas une requalification de la mission des
personnes contrôlées non-déclarées en contrats de six mois. Bref, c’est
comme si le magazine Planète Lyon avait fait tourner un atelier
clandestin 24h/24h pendant six mois !
A l’été 2011, je me déplace avec mon associé dans les locaux de l’URSSAF
Rhône-Alpes à Vénissieux, où nous rencontrons deux inspectrices.
J’aurais dû mesurer ma chance car en sept ans, ce sera la seule et
unique fois que des responsables de l’URSSAF daigneront nous recevoir !
Il faut dire que je me suis aperçu ce jour-là que j’avais en face de moi
un système particulièrement bien huilé et efficace… En effet, l’une des
inspectrices m’explique alors la procédure future : je vais pouvoir
faire un recours devant l’URSSAF elle-même, qui va refuser; on va aller
ensuite en justice devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale
(TASS) qui va me condamner en première instance puis en appel. C’est
exactement ce qui allait se passer, le scénario était donc écrit
d’avance. J’étais fait comme un rat. « Mon » inspectrice concluant sa
démonstration ainsi : « Comme ça, vous aurez le temps de payer cette
amende ». Tout simplement…
Du coup, je suis rentré dans un long combat administratif et judiciaire
pendant sept ans et demi pour lutter contre cette amende incroyablement
choquante et disproportionnée, en plus impossible à payer pour une TPE
familiale comme Planète Lyon, qui réalise un chiffre d’affaires annuel
d’environ 50 000 euros pour parvenir à un résultat financier équilibré.
Mais auparavant, il a fallu d’abord affronter l’aspect pénal de cette
affaire. Le travail dissimulé étant un délit, un procès était possible.
Pour l’éviter, j’ai choisi en 2013 avec mon avocat le système de la
composition pénale, qui permet de trouver un accord avec la justice et
d’éviter un procès. J’ai alors rencontré au nouveau palais de Justice de
Lyon, rue Servient, dans le 3e arrondissement, un délégué du procureur
de la République qui m’a proposé une condamnation à 1 500 euros
d’amende. Comme je trouvais toujours le montant disproportionné pour une
distribution de flyers de 2 heures par 5 personnes pour 100 euros, mon
interlocuteur m’a alors lancé, sérieusement : « C’est ça ou bien on va
au procès et là vous risquez la prison, Monsieur Blanc. Vous voulez
aller en prison, Monsieur Blanc ? Vous savez, ce n’est pas très sympa,
la prison… » Cette conversation est évidemment totalement authentique,
comme tout le reste malheureusement…
Car, avec les années, j’ai rencontré plein d’experts au sujet de cette
affaire - juges, avocats, conseillers juridiques, inspecteurs du
travail, députés, un Ministre en exercice même (!)… - et ce qui m’a
toujours fasciné chez tous ces gens de pouvoir, c’est qu’ils trouvaient
mon histoire NOR-MALE. Pour eux, c’est NOR-MAL de payer 21 000 euros
pour une distribution de flyers de 100 euros. En effet, ils font tous
partie d’un système où l’administratif, le juridique et le droit priment
sur tout, même sur la raison, l’intelligence, le bon sens…
Mon avocat est un bon exemple. J’ai un très bon rapport avec lui et il
m’a bien aidé dans ce dossier, ce dont je le remercie beaucoup. Mais au
fond de lui, j’ai toujours senti qu’il n’était pas choqué par le fond de
mon affaire.
Pour lui aussi, c’était NOR-MAL, c’est le droit, c’est comme ça. NOR-MAL
par exemple de requalifier les missions de mes cinq distributeurs de
flyers en contrat de six mois à temps plein chez Planète Lyon.
- « C’était pourtant tous des lycéens qui allaient en cours tous les
jours ? » tentais-je d’argumenter.
- « Oui, mais on peut très bien imaginer qu’ils distribuaient des flyers
pour toi tous les soirs dans Lyon après l’école » me répondait-il.
- « Mais ce n’est pas possible, Planète Lyon est un magazine trimestriel
de football sur l’Olympique lyonnais, donc une distribution de flyers
était forcément limitée à un match au stade de Gerland après la sortie
du magazine, comme le prouve mes factures d’imprimerie pour ces flyers ?
»
- « Oui, mais on peut imaginer que tu attribuais d’autres missions à ces
jeunes. Par exemple, qu’ils faisaient le ménage chez toi. »
Et ainsi de suite… Il avait toujours réponse à tout, c’était
impressionnant. Car ces gens du juridique sont habitués
professionnellement à argumenter et contre-argumenter toute la journée
sur tout et son contraire, c’est leur métier.
Du coup, je me suis retrouvé en 2016 à défendre mon dossier devant le
Tribunal des affaires de sécurité sociale. Et comme l’inspectrice de
l’URSSAF me l’avait prédit, j’ai été condamné en première instance puis
en appel le 28 juin 2016. Comme tous les experts consultés me
déconseillaient de me pourvoir en cassation - chances de succès nulles
et frais de justice supplémentaires importants - j’ai alors dû accepter
cette sentence et j’ai envoyé en août 2016 un courrier recommandé à
l’URSSAF Rhône-Alpes dont j’ai reçu l’accusé de réception. Dans ce
courrier, j’expliquais à l’URSSAF ne pas me pourvoir en cassation,
accepter le verdict et je leur demandais qu’on se rencontre avec ma
comptable et moi-même pour trouver une solution pour payer cette amende.
Mais l’automne 2016 est passé et je n’ai reçu aucune réponse, puis
l’hiver, puis le printemps, puis la date « anniversaire » de notre
condamnation le 28 juin 2017… Toujours rien… Jusqu’à ce coup de
téléphone début août de la secrétaire du centre d’affaires qui abrite le
siège de Planète Lyon : « Vous avez reçu un courrier M. Blanc, ça a
l’air important, c’est une étude d’huissier visiblement ». Ça y est, 14
mois après ma condamnation, un an pile après ma proposition de rencontre
restée sans réponse, l’URSSAF se réveillait et me signifiait ma
condamnation. Mais là, par contre, ça n’allait plus traîner… En effet,
alors que j’avais deux mois pour venir retirer ma condamnation à l’étude
d’huissier, cette dernière tente avant de saisir directement plus de 22
000 euros - la somme avait augmenté de près d’un millier d’euros, les
huissiers aiment toujours se rajouter des petits « frais » - sur le
compte bancaire du magazine. Un échec évidemment mais des frais
bancaires à payer pour Planète Lyon, bien sûr. Ce ne sera pas la
dernière fois puisque les huissiers retenteront l’opération à deux
reprises par la suite.
Dans la foulée, au début de l’automne 2017, je fais une première
proposition d’échéancier à l’URSSAF de 100 euros par mois - proposition
faible mais adaptée à la trésorerie d’une TPE comme Planète Lyon
simplement à l’équilibre financier et qui doit payer chaque mois tous
ses prestataires - imprimeurs, infographistes, photographes, agence
photos… - et là, miracle (!), une responsable de l’URSSAF me téléphone
et me dit qu’ils vont accepter mon échéancier.
Je discute bien avec elle et pour la première fois en six ans et demi,
j’ai en face de moi quelqu’un de compréhensif qui me dit : « C’est vrai
que ce n’est pas normal d’exiger une telle somme de Planète Lyon pour
une simple distribution de flyers. C’est comme écraser un moustique avec
une enclume mais c’est le système… En tout cas, nous allons accepter
votre échéancier de 100 euros par mois. »
Une fois le téléphone raccroché, je suis vraiment soulagé. C’est vrai
qu’il faut quand même payer pour « ça » mais ce seront de petites sommes
étalées dans le temps, même si ça va durer très longtemps… C’est un
moindre mal.
Sauf que les huissiers m’envoient quelques jours plus tard, le 7
décembre, une notification officielle m’indiquant que l’URSSAF… refuse
finalement mon échéancier. Franchement, si ce n’était pas dramatique,
cette histoire commençait alors à avoir le potentiel d’un sketch
formidable…
Je demande alors à nouveau à l’URSSAF un rendez-vous avec ma comptable
pour négocier et trouver la solution de paiement la plus adaptée pour
cette amende. Et le 20 décembre, les huissiers m’informent que l’URSSAF
accepte enfin de nous rencontrer : « Nous vous remercions de contacter
directement notre cliente afin de convenir d’un rendez-vous. »
Mais début janvier, tandis que je me trouve au pied du Groupama Stadium
à Décines où je viens de déposer comme d’habitude à l’accueil du stade
une quarantaine d’exemplaires du nouveau numéro d’hiver de Planète Lyon
à l’attention des joueurs, du staff et de la direction de l’OL; je
reçois alors un appel d’un numéro spécial - ces numéros où apparaissent
seulement 5 ou 6 chiffres et qu’on ne peut pas rappeler, c’est fait
exprès -, c’est une collaboratrice de l’URSSAF Rhône-Alpes qui me dit
qu’ils ne me recevront finalement pas :
« Mais ce n’est pas possible, vos huissiers m’ont envoyé un courrier
officiel m’indiquant que vous alliez nous recevoir. »
« Non, les huissiers se sont avancés… »
Le sketch continue… J’hallucine en tout cas devant tant de mépris pour
Planète Lyon et tant d’incompétence. Mais j’en profite évidemment pour
parler à cette femme de sa collègue qui m’avait annoncé au téléphone
quelques semaines plus tôt que l’URSSAF acceptait mon échéancier, une
personne dont je me souviens parfaitement du prénom et du nom.
« Vous la connaissez Mme XXX XXXX ? »
« Euh, euh… Non, non… »
« Ah oui ? Pourtant, elle travaille dans votre service et m’a certifié
que vous acceptiez mon échéancier ? »
« Ah bon… Je ne suis pas au courant… »
Un échange savoureux.
Par la suite, durant le premier semestre 2018, j’ai adressé de nouvelles
propositions à l’URSSAF. Notamment le paiement, via un prêt à rembourser
ensuite par Planète Lyon, de 6 461,94 euros, correspondant aux «
cotisations salariales » de mon amende, c’est-à-dire les soi-disant
salaires de mes deux cousins et de leurs trois potes. Une somme que
l’URSSAF exigeait en préalable à un échéancier. Mais vu les
circonstances, je demandais à la directrice de l’URSSAF Rhône-Alpes, la
remise gracieuse du reste de l’amende, soit 15 000 euros environ.
La directrice de l’URSSAF Rhône-Alpes m’a répondu le 20 avril. Extraits
:
- « Monsieur, le courrier que vous m’avez adressé le 6 avril 2018
concernant la situation actuelle de votre entreprise et demandant
l’annulation partielle de sa dette à l’égard de mon organisme a retenu
toute mon attention (…) (mais) ce redressement de 21 344 euros est
désormais définitif. (…) Je vous informe que mes services se verront
contraints d’assigner votre entreprise devant le Tribunal de Commerce de
Lyon afin que soit constaté son état de cessation des paiements. »
Résultat, j’ai encore fait une proposition d’un nouvel échéancier à
l’URSSAF en payant à nouveau 100 euros par mois pendant 23 mois puis le
solde de 19 000 euros le 24e mois, fin du délai maximum de deux ans pour
un échéancier. Le temps de trouver une solution pour payer à la fin et
laisser à Planète Lyon deux nouvelles années pour nous développer,
notamment via un tout nouveau site internet lancé en avril 2018. Une
collaboratrice de l’URSSAF me téléphone alors au sujet de ma nouvelle
proposition en me demandant des précisions sur cet échéancier. C’est la
première fois qu’ils daignent s’intéresser à l’une de nos propositions,
c’est un bon signe qui prouve qu’ils sont intéressés cette fois-ci,
visiblement.
Sauf que, non seulement, je n’ai pas eu de réponse à cette nouvelle
proposition mais j’ai reçu le 12 juillet une… assignation en liquidation
judiciaire de Planète Lyon pour le 3 octobre prochain…
Je me suis alors aperçu dans le dossier d’assignation que l’URSSAF avait
bien répondu à ma nouvelle proposition en la refusant mais via deux
courriers envoyés à une adresse postale de Planète Lyon, qui n’existe
plus depuis…. six ans !
Le sketch, toujours…
J’ai alors renvoyé un courrier à l’URSSAF en leur précisant que
j’attendais leur réponse à ma nouvelle proposition financière plutôt
qu’une « assignation en liquidation judiciaire » et que ce serait
peut-être bien, vu l’importance des courriers échangés, qu’ils mettent à
jour l’adresse postale de Planète Lyon, non ?
Réponse d’une collaboratrice de l’URSSAF, toujours par courrier : « Je
vous présente nos excuses. Nous faisons le nécessaire pour opérer les
mises à jour nécessaires. »
Super !
Souvent, autour de moi, on m’a demandé comment je faisais pour tenir le
choc psychologiquement, ne pas péter un câble devant cette histoire de
fou, comment je pouvais faire comme si de rien n’était et sortir un
nouveau Planète Lyon tous les trois mois malgré l’épée de Damoclès
au-dessus de ma tête ?
La réponse est simple et double : d’abord par passion pour mon métier et
ce magazine que j’adore. Mais aussi parce que j’ai toujours eu
conscience de la gravité de ma faute : une putain de distribution de
flyers de 2 heures au stade de Gerland avec mes cousins et leurs trois
amis pour 100 euros ! Tout ça pour ça !
Mais en tout cas, sept ans et demi après, rien n’y a fait… Face à nous,
nous avons en effet une administration totalement froide et inhumaine -
simple rouage d’un système bien plus important qu’elle - qui se cache
derrière une loi mal conçue. Une administration qui met maintenant
clairement en danger l’avenir de Planète Lyon avec cette amende
disproportionnée.
C’est pourquoi, désormais contraint et forcé par l’URSSAF de payer ces
20 000 euros maintenant, j’ai décidé de rendre public cette affaire et
de solliciter nos lecteurs en faisant appel à vos dons pour nous aider à
payer cette amende scandaleuse avant la fin du mois de septembre. Et
permettre ainsi à ce magazine de continuer. Car, durant tout l’été,
malgré ces vicissitudes « urssafiennes », nous avons travaillé comme
d’habitude pour sortir notre prochain numéro d’automne, pour lequel nous
avons tenté de préparer un nouveau contenu original et qualitatif de 80
pages sur l’Olympique lyonnais.
Du coup, si vous aussi, cette situation vous choque et si vous souhaitez
que ce magazine continue, vous pouvez envoyer un chèque de don à l’ordre
de Planète Lyon à :
Planète Lyon
Espace DMCI
31 rue Laure Diebold
69009 Lyon
Ou bien effectuer un virement bancaire sur notre compte. Vous pouvez
dans ce cas nous demander notre relevé d’identité bancaire (RIB) par
mail à redaction@planete-lyon.fr
Tous les montants, même les plus modestes, seront les bienvenus.
Par ailleurs, merci de diffuser le plus possible cette lettre autour de
vous, parmi toutes vos connaissances, pour que notre appel touche le
maximum de personnes, fans de l’OL ou non, des gens qui pourraient
simplement être choqués par l’enfer qu’on fait vivre à ce magazine. On
accepte même les dons des Stéphanois !
Sportivement,
Aymeric Blanc, rédacteur en chef de Planète Lyon
redaction@planete-lyon.fr