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17/3/12 Pierre Briançon
Le prochain président français n’aura que quelques              mois avant d’aller mendier le soutien
                               de l’Allemagne !

La France est en train de gaspiller joyeusement la double occasion qui se présente à elle, avec la campagne présidentielle et la pire crise économique depuis un demi-siècle, pour engager un débat sérieux sur la réforme de son modèle économique. Un peu plus d'un mois avant le vote, les deux principaux candidats semblent engagés dans une course au populisme le plus abject possible afin d’évacuer les craintes et les préjugés de leurs électorats respectifs. Nicolas Sarkozy, le président sortant, dont les sondages le donnaient perdant, est en train de courtiser les électeurs du Front national. Ces dernières semaines, il a donné à sa campagne une tournure décidément inquiétante, attisant les flammes nationalistes, appelant à renforcer les contrôles migratoires et le protectionnisme étendu à toute l'Europe, ou à ce qu'il dit contre les conséquences de la mondialisation.

Si M. Sarkozy marche sur les terres de Marine Le Pen, le leader d'extrême droite, son adversaire socialiste, archi-favori, François Hollande, emprunte des pages entières du programme de M. Sarkozy. Après le démarrage de ce qui promettait d'être une campagne molle et ennuyeuse de centre-gauche, M. Hollande s'est rendu compte que les diatribes de M. Sarkozy contre les banquiers, les financiers, les marchés non réglementés et les riches pouvaient mordre sur son propre électorat. Alors il a commencé à faire campagne contre son véritable ennemi, celui de la finance sans visage. Cela a abouti à la proposition ahurissante de créer une tranche de taux à 75% sur l’impôt sur le revenu, mais qui s’élèverait en fait à 90% lorsqu'il y est ajouté l'impôt universel prélevé pour financer l'Etat-providence. On peut déjà entendre le maire de Londres, Boris Johnson, rire sur le quai de la gare de Saint Pancras, où il se prépare à accueillir les banquiers et les dirigeants français qui vont bientôt déposer leur richesse dans sa ville.

Pour ne pas être en reste, M. Sarkozy a immédiatement proposé de taxer les riches d’une autre manière différente : taxer les exilés fiscaux quand ils quittent le pays. Aucun des candidats ne semble conscient du fait que Bruxelles ou Londres est à une heure de train de Paris, et que l’on peut diriger et gérer une entreprise, grande ou petite, de n'importe où en Europe avec Internet et Eurostar.

Bien sûr, l'électeur blasé français peut se conforter en se disant que ce n’est que de la rhétorique et que rien de tout cela ne se traduira par des actes lorsque l'un des deux deviendra président au début de mai. Si MM. Hollande et Sarkozy ont une chose en commun, c'est qu'ils appartiennent à cette catégorie de politiciens pour qui la chose importante est d'obtenir le pouvoir. Qu’importe la promesse scandaleuse ou irréaliste, l’essentiel est d'y arriver. Et l’élu aura amplement le temps, par la suite, de redescendre sur terre, où rien ne se passe vraiment, et où il n’y pas de risques dans une France retranchée dans ses intérêts catégoriels.

Mais cela pourrait être différent cette fois. Tout d'abord, parce que la rhétorique a été si féroce que la désescalade sera difficile. La mauvaise surprise pour celui qui sera élu président, c’est qu’il sera confronté à une forte attente des électeurs bercés par ses promesses. Donc, M. Hollande, d'une manière ou d'une autre, devra prouver que faire payer les riches n’est pas un vain mot, tout comme M. Sarkozy, s’il est élu, devra livrer ses coups de gueule protectionnistes. Mais la couverture et le trucage pourraient ne pas suffire cette fois. Les deux candidats auront à faire face à des problèmes économiques s’ils appliquent leurs programmes, et d'ordre politique s’ils ne le font pas.

Comme ils font de la surenchère dans le populisme, avec un nouvel impôt tous les jours et une nouvelle réforme toutes les heures, MM. Hollande et Sarkozy devront éviter l'éléphant dans la pièce : à savoir que le bateau France se dirige tout droit vers l’iceberg. Ce pays a longtemps joui de la même cote de crédit que l'Allemagne, même si ses finances sont dans la même catégorie que celle du Portugal. Ce n'est plus le cas depuis que l’agence S & P a dégradé la France d'un cran. Mais les élites parisiennes continuent à se comporter comme si l'économie du pays n'avait pas besoin de correction majeure.

M. Sarkozy, qui semblait avoir le bon diagnostic des maux de la France il y a cinq ans, n'a pas tenu sa promesse de rupture avec le passé. (1) Une certaine retenue fiscale lui a été imposée par la crise de la zone euro. (2) M. Hollande, pour sa part, a choisi d'ignorer la menace que représentent les dépenses publique de 56,7% du PIB l'an dernier, le taux le plus élevé dans la zone euro, et qui obère son avenir économique. Pire, il a dit qu'il reviendrait sur la seule vraie réforme de la présidence de M. Sarkozy, celle du financement des retraites. Et il va abandonner la règle selon laquelle la moitié seulement des fonctionnaires partant à la retraite sont remplacés. C’est une timide réforme que M. Sarkozy a édictée pour freiner le gonflement de la sphère publique. (3)

Que va-t-il se passer ? Comme cela est arrivé à plusieurs reprises dans l'histoire économique de l'Union européenne, le gagnant du concours va commencer son mandat dans l'euphorie et ensuite frapper à la porte de l'Allemand pour lui demander une aide. C'est arrivé il y a trente ans quand François Mitterrand, le président socialiste, après deux ans de gabegie socialiste, a été contraint par le chancelier allemand Helmut Kohl d'adopter une politique budgétaire raisonnable et favorable au marché. C’est ce qui va se passer cette fois encore, sauf que ce ne sera pas une question d'années, mais de mois ou de semaines. L’Allemagne, en tant que payeur en dernier ressort de la zone euro, fera en sorte qu'elle ne finisse pas par renflouer le président français irresponsable.

Il reste peu de temps aux deux candidats pour refroidir leur populisme et exposer sérieusement comment ils vont adopter des politiques visant à rétablir la compétitivité de l'économie française tout en gardant la porte ouverte sur le monde. Cela devrait fournir ample matière à un débat raisonnable entre le candidat de la vraie gauche et son adversaire de la fausse droite. Il semble que le redressement de la campagne de M. Sarkozy se traduise par des gains dans les sondages alors que M. Hollande n'en perd pas, ce qui le conduit à penser que sa rhétorique contre les riches plaît à l’électorat. Le plus déprimant dans cette campagne, c’est qu’aucun des candidats n’a le monopole de la diatribe. En d'autres termes, elle est susceptible d'empirer.

Pierre Briançon

Notes du traducteur :

(1) M Sarkozy a trompé ses électeurs en faisant l’ouverture à gauche alors qu’il aurait dû la faire à droite en confiant les postes de ministre de l’intérieur et de la justice à deux élus du Front national pour juguler l’immigration.

(2) Le président sortant n’a pas non plus fait la rupture avec l’Etat-providence en ne nommant pas des personnalités libérales aux ministères des finances, du travail, des transports, de la santé et de l’énergie. La France aurait pu conserver son triple A avec une équipe d’économistes de l’école autrichienne ou de Chicago, mais certainement pas avec des énarques keynésiens.

(3) Il faut appliquer la même règle aux politiques, avec un remplacement sur deux des élus à chaque nouvelle élection. Par exemple, une Assemblée nationale réduite de moitié, donc à 288 membres, où chacun d’entre eux aurait une circonscription de 2,2 millions d’habitants.


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