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10/12/11 | Wall Street Journal |
Les Européens ne
parviennent pas à relancer la croissance : ils ne savent pas comment on fait ! Les dirigeants européens sont réunis à Bruxelles pour élaborer leur troisième tentative - ou est-ce la sixième fois ?- pour mettre fin à la crise la dette du continent et d'éviter une profonde récession. Ainsi, il semble opportun d’examiner le dossier de la politique économique des chefs de gouvernement qui cherchent à remettre l'Europe sur les rails. Il n'est pas joli. Une grande partie du problème réside dans le débat intellectuel en Europe, qui oppose les dépenses du gouvernement à «l'austérité», comme s’il n’y avait que ces deux choix de politique économique. (1) Les keynésiens condamnent le ralentissement imminent de l'Europe comme étant la faute des États qui se serrent la ceinture, comme si la dépense publique était la seule façon de stimuler la croissance économique. Mais le problème dans la plupart des pays de l'Europe n'est pas un manque de dépenses publiques, qui représentent généralement environ la moitié du P.I.B. C'est leur incapacité à créer les conditions propices pour que l'investissement privé tire la croissance. (2) Lorsque la panique financière a frappé en 2008, l'Union européenne et le Fonds monétaire international ont exhorté les gouvernements à travers le continent européen à dépenser comme des fous pour éviter la récession. Alors ils l’ont fait et ont fini par comprendre que ces dépenses sont insoutenables. Maintenant, les mêmes « sages » exhortent les gouvernements à augmenter les impôts pour compenser toutes ces dépenses et même à dépenser davantage dans le « court terme». La seule politique qu'aucun de ces dirigeants n’a essayée, est le modèle de Reagan-Thatcher consistant à réduire les impôts pour stimuler la croissance. (3) Les Britanniques se félicitent de ne pas avoir rejoint la zone euro il y a dix ans, mais sur la politique budgétaire, il y a peu de distinction entre le Royaume-Uni et la zone euro. Le gouvernement de coalition des conservateurs et des libéraux-démocrates a relevé le taux de TVA de 17,5% à 20% au début de cette année. Il était de 15% quand il a pris ses fonctions il y a deux ans. Le précédent gouvernement travailliste a relevé la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu à 50% contre 40% en 2009. Le président français Nicolas Sarkozy a ironisé cette semaine en disant que «s’ils continuent d’augmenter les impôts à Londres, nous allons voir nos jeunes revenir au pays». Sa remarque ne correspond pas à la réalité. Le président français a répondu à la menace de dégradation de la notation de crédit de son pays en augmentant la T.V.A. sur une variété de produits et en taxant davantage les sociétés et les particuliers fortunés. Les exemptions de taxations sur les plus-values provenant de la vente de biens immobiliers sont annulées, et les individus dont les revenus dépassent 500.000 euros devront payer un impôt additionnel de 3%. Une «contribution exceptionnelle », c’est ainsi que la mesure est appelée à Paris… Le Premier ministre François Fillon a osé déclarer que l'augmentation sur les plus-values mobilières à 32,5% contre 31,3% auparavant, est une « façon pour les riches de montrer leur solidarité». (4) En tout, le gouvernement français a proposé quelques 31 milliards d’euros en nouveaux impôts dans l'année écoulée. En Italie, le nouveau Premier ministre Mario Monti a augmenté la TVA de 21% à 23%. Il a introduit d'autres nouveaux prélèvements, y compris une taxe sur les comptes bancaires, les actions et les instruments financiers, et une taxe rétroactive de 1,5% sur les capitaux rapatriés de l'étranger. (5) Sur les 18 milliards d’euros de nouvelles taxes qu’il a signées dans la loi votée cette semaine, les deux tiers proviendront de la réintroduction d'un impôt foncier que Silvio Berlusconi, en dépit de tous ses défauts en tant que Premier ministre, avait aboli. La Grèce a relevé son taux de TVA à 23% l'an dernier, introduit une nouvelle taxe foncière et augmenté les taxes sur l'alcool, les cigarettes et la nourriture. En juin, le ministère des Finances a dévoilé un « impôt de solidarité » de 5%, que les chômeurs auront à payer même s’ils ont travaillé une seule journée cette année ! Les Grecs ne payaient pas d’impôts lorsque les taux étaient plus bas. Aussi est-il difficile de voir comment des taux plus élevés auront l'effet escompté par Athènes d’engranger des recettes supplémentaires. En septembre, le vice-Premier Ministre Theodoros Pangalos a déclaré à la télévision grecque : « Je crois que les limites fiscales de la société grecque ont été épuisées. Je dirais même qu'elles ont été épuisées depuis quelque temps.» Le gouvernement espagnol a réintroduit un impôt sur la fortune en septembre, à prélever sur les individus qui ont un patrimoine supérieur à 700.000 € en excluant de celui-ci le foyer principal. Madrid espère frapper 160.000 personnes avec ce nouvel impôt, une évaluation optimiste compte tenu du fait que les Espagnols savent éviter de payer l'impôt sur le revenu. Seulement 7.000 personnes en Espagne déclarent un revenu annuel imposable supérieur à 600.000 euros, selon une estimation. Le Portugal a augmenté la T.V.A. sur certains produits et réduit les déductions fiscales pour résorber son déficit budgétaire, même si des réductions de dépenses publiques représentent une part plus importante des économies proposées cette année. Mais la plus grande tragédie du Portugal et de l’Espagne est leur incapacité à faire face à la menace qui pèse à long terme sur leur croissance économique. Il s’agit de leurs lois du travail qui sont absolument rigides. Le taux de chômage en Espagne est le plus élevé au sein de l'U.E. avec 22,8%. Le chômage des jeunes est de 48,9% ! (6) Les lois, qui garantissent l'emploi à vie avec des contrats en or, forcent les jeunes à alterner sans cesse entre des emplois peu rémunérés ou à ne pas travailler du tout. L'Irlande a vaillamment résisté à la pression pour élever son taux de 12,5% de l'impôt sur les sociétés, qui est parmi l’un des plus bas en Europe. (7) Cela a permis à ce pays de maintenir sa compétitivité à l'exportation. Mais cette semaine, Dublin a annoncé qu'elle relèvera le taux de T.V.A. à 23% sur la plupart des produits à partir de janvier, soit une hausse de 3% en deux ans. Le nouveau budget relèvera également les taxes sur les comptes bancaires, les combustibles fossiles et la vignette sur les immatriculations de voitures. Il y a peu de dissidents pour s’opposer à la sagesse conventionnelle qui prévaut en Europe et selon laquelle le retour à la croissance passe par une augmentation des impôts. L'Estonie, qui enregistre une forte croissance de 8,5% de son P.I.B. cette année, a réagi à la crise financière en rognant les salaires des fonctionnaires tout en maintenant sa flat tax sur les revenus et les sociétés. (8) Aux Pays-Bas, les syndicats abandonnent à contrecœur la retraite anticipée afin que le marché du travail néerlandais demeure concurrentiel. La Slovaquie a résisté à la pression du F.M.I. (9) pour revaloriser sa flat tax de 19% sur les personnes et les sociétés. C’est la flat tax qui a permis à ce pays de devenir une destination privilégiée des capitaux étrangers depuis son introduction en 2004. Parmi les grandes économies de l'Europe, seule l'Allemagne mérite quelques lauriers. La coalition de centre droit dirigée par Angela Merkel a résisté aux plaidoyers du F.M.I. et de l’administration Obama (10) pour rejoindre la frénésie keynésienne en 2009. Et elle a accepté, en principe du moins, de réduire l'impôt sur le revenu avant 2013, bien que jusqu'à présent seulement quelques coupes mineures aient été promulguées. La coalition de Mme Merkel a fait adopter une simplification fiscale en septembre, qui a été âprement combattue par les Länders dirigés par les sociaux-démocrates. La loi, qui comprend un nouveau système de facturation électronique et une réglementation simplifiée, devrait alléger le fardeau du contribuable allemand d’environ 590 millions d’euros. Avec une taxation supplémentaire si importante (11) et si peu de réformes en cours, il n'est pas étonnant que l'Europe retombe dans la récession. Alors que les responsables européens débattent de la gouvernance économique du continent, tous les yeux sont rivés sur l'Allemagne et la Banque centrale européenne pour savoir s’ils sont d'accord pour financer l'Etat-providence de l'Europe méridionale. Mais comme le montre l’après 15 septembre 2008, le plus gros déficit en Europe ces jours-ci réside dans les idées pour stimuler la croissance et dans la volonté politique de les appliquer. Wall Street Journal (1) Il y a quelques personnes lucides en France mais elles sont
soigneusement écartées du débat national.
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