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19/1/13 M. Walker et Ch. Forelle
              L’embellie de l’Europe plombée par
                        la panne de croissance !

L'embellie de l'Europe repose sur une phrase de Mario Draghi prononcée le 2 août 2012 : " La BCE est prête à tout pour sauver l'euro."

Les preuves s'accumulent que les marchés financiers européens considèrent que la crise de la dette de la zone euro se dissipe - l’euro a frôlé jeudi son cours de 1,34 contre le dollar, qu’il n’avait plus visité depuis dix mois - mais la faible activité économique suggère que la crise est simplement en rémission.

Parmi les signes positifs

Les emprunts d'Etat espagnols et italiens ont considérablement augmenté depuis six mois. L’Espagne a vendu avec succès une série de nouvelles dettes, ce jeudi, sur le marché obligataire. Les vives tensions dans le système bancaire européen sont émoussées. Les craintes réelles d'une implosion de la zone euro ont maintenant disparu. « La confiance revient. Si vous mettez de l'argent dans la périphérie de la zone euro, vous allez pouvoir le récupérer dans la devise où vous avez commencé», explique Christine Johnson chez Old Mutual Asset Managers à Londres, un changement qu'elle attribue au président de la Banque centrale européenne (B.C.E.), Mario Draghi, quand il a promis, en juillet dernier, de tout faire pour sauver l'euro. Dans les portefeuilles qu’elle gère, Mme Johnson note une «normalisation» dans les achats d'obligations émises par les banques, les services publics et les entreprises de télécommunication dans la périphérie de la zone euro.

Mais le nouvel optimisme sur les marchés financiers n'est pas encore assuré par une reprise dans les économies européennes. En Allemagne, la plus grande économie de la zone euro, le produit intérieur brut a chuté à un taux annuel de 2% au quatrième trimestre 2012, selon une estimation publiée, mardi, par le bureau allemand des statistiques. Les économistes s'attendent à ce que l'Allemagne renoue avec une faible croissance au premier trimestre 2013, mais que l'ensemble de la zone euro restera embourbé dans la récession. « Les causes sous-jacentes de la crise n'ont pas disparu », explique Jürgen Michels, économiste chez Citigroup à Londres. Si les interrogations refont surface à propos de la robustesse des gouvernements ou du système bancaire européen, il ajoute : « Je pense que cet environnement positif que nous avons pour le moment va très vite disparaître. »

Pourtant, derrière l’exubérance des marchés européens, il y a des changements tangibles tant en ce qui concerne les reflux d'argent qui ont provoqué la menace d’éclatement de la zone euro et la volonté des institutions européennes de la contrecarrer. Des pays de la zone euro comme l'Espagne, l'Italie ou le Portugal ont freiné progressivement leur recours à l'emprunt extérieur. Ce faisant, ils ont réduit leur dépendance qui les rendait très vulnérables lorsque les capitaux étrangers s’enfuyaient. La promesse de M. Draghi a également convaincu les marchés que la crise en Europe ne se terminera pas en catastrophe. Les riches investisseurs de l'Europe du Nord ont fait une pause dans leurs retraits d’argent dans les pays endettés du Sud, et certains vont même jusqu’à le replacer. Rassuré par la BCE, le gestionnaire français Carmignac Gestion a vendu un placement sûr comme les obligations allemandes, mais qui n’offre qu’un faible rendement, et il acheté à tour de bras de la dette espagnole et italienne ces derniers mois. « Avant l’engagement de la BCE, dit Carlos Galvis de Carmignac, il semblait qu’il n’y avait plus rien à faire pour empêcher les marchés obligataires des pays en difficulté de s'effondrer. »

Cette promesse a permis aux banques européennes et aux gouvernements du Sud de l’Europe d’emprunter à des coûts moins élevés que l'an dernier. Le rendement de l’obligation espagnole à 10 ans a clôturé jeudi à 5,10% et celui de l'Italie à 4,18%. Il y a six mois, les deux avaient deux points de pourcentage en plus. Les valeurs bancaires européennes ont également fortement augmenté durant cette période.

Certains investisseurs non européens sont aussi de retour dans la zone euro. Basé en Californie, Pacific Investment Management Co. (PIMCO pour les connaisseurs du marché), qui gère le plus grand fonds obligataire du monde, a dit qu'il achète des obligations italiennes et espagnoles. David Rolley, le coresponsable de titres obligataires chez Loomis, Sayles & Co. à Boston, a déclaré : « Notre société qui a renforcé son exposition en Méditerranée, l'été dernier, a bénéficié du rebond. » Bien que M. Rolley ne soit pas sûr que le calme actuel dure, il ajoute: « Je ne pense pas que nous allons revenir à un stress existentiel de l’euro.»

Outre le changement de sentiment des investisseurs, les réductions des déficits budgétaires aident bien les choses. En Espagne, où l’endettement excessif du secteur privé a conduit à la crise, le compte-courant du pays (une mesure qui indique si une économie nationale dépense plus qu'elle ne gagne) devrait être proche de l'équilibre cette année. Le pays vit à peu près selon ses moyens à présent. Il a beaucoup moins besoin d'emprunter sur les marchés, ce qui signifie que le financement devrait être moins cher à
obtenir.

Mais les bonnes nouvelles se terminent en grande partie là

Les entreprises du Sud de l'Europe manquent encore cruellement de financement. Cela freine considérablement l'investissement et l'embauche qui sont nécessaires pour amorcer une reprise économique. (1)

Dans le Sud de l'Europe, l'activité économique se contracte. La production industrielle dans la zone euro a baissé de 3,7% en novembre, a déclaré, lundi, l'organisme statistique de l'Union européenne (Eurostat). L'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Grèce ont toutes enregistré des baisses de production en octobre. Le PIB ne devrait pas revenir au niveau précédant la crise avant plusieurs années. C'est important, car la capacité des individus, des entreprises ou des gouvernements à rembourser leur dette dépend de leurs revenus futurs. La probabilité d'une décennie perdue dans la zone euro suggère que certains pays pourraient ne pas être en mesure de supporter le fardeau de leur dette extérieure à long terme.

La faiblesse persistante de l’économie en Espagne et en Italie va faire monter le ratio de la dette publique de ces pays, ainsi que les créances douteuses de leurs banques, explique Simon Tilford, économiste en chef au Centre de Réforme Européenne, un think-tank de Londres. « En fin de compte, le problème de la dette est rendu plus aigu par le manque de croissance de l'Europe », dit-il. « La contraction des économies et l'aggravation des ratios d'endettement pourraient être l’étincelle qui pousse les marchés à recommencer à vendre de la dette espagnole ou italienne», poursuit M. Tilford. Cela permettrait de vérifier si la BCE est capable de tenir sa promesse de sauver le marché obligataire.

Les marges d'erreur sont minces.

Bien que la fuite meurtrière des capitaux au pic de la crise ait diminué, le système financier est encore beaucoup plus tendu qu'en temps normal. Avec un taux de participation des capitaux étrangers de 35,3% sur le marché obligataire espagnol, il est légèrement en hausse par rapport aux 33,5% des jours sombres d’août dernier mais toujours loin des 54,8% en 2010. Les banques espagnoles ont, dans l'ensemble, pris le relais, avec de l'argent emprunté auprès de la BCE. (2) « Et tandis que la récession a fait sa besogne en Espagne et en Grèce en rendant moins cher que par le passé le coût du travail, ce qui pourrait stimuler les exportations et, éventuellement, des emplois, le grand nombre de réformes difficiles qui s'imposent pour rendre ces économies plus compétitives va prendre du temps et de la patience », déclare Nick Kounis, responsable de la recherche macroéconomique à ABN Amro aux Pays-Bas. « Il y a encore un long chemin à faire. » (3)

Les optimistes (4) soutiennent que les meilleures conditions sur les marchés financiers vont se répercuter sur les entreprises et les ménages en 2013, en aidant ainsi la zone euro à échapper à l'emprise de la récession. David Mackie, économiste chez JP Morgan à Londres, prévoit une baisse des coûts d'emprunt dans la première moitié de cette année. Il soutient que le retour de la confiance sur les marchés financiers est fondé, en partie, sur un changement de politique européenne en 2012 avec l'acceptation de l’idée que les gouvernements européens doivent déployer leur force collective financière pour maintenir la stabilité de la zone euro. En particulier, les dirigeants européens ont commencé à construire un "syndicat bancaire", basé sur une surveillance commune et un soutien financier pour les banques, et ils discutent d’un approfondissement de l'union fiscale. (5)
Mais comme la panique des marchés financiers a diminué à la fin 2012, il en va de même de la volonté politique de prendre des mesures controversées qui signifieraient de renoncer à la souveraineté nationale en matière budgétaire ou de taxer davantage les contribuables pour sauver les banques d'autres pays. (6)

«Il y avait une complaisance décevante à la fin de l'année dernière parmi les dirigeants de la zone euro », explique Jean Pisani-Ferry, directeur à Bruxelles du think-tank Bruegel. « Sommes-nous sûrs d’avoir construit une zone euro qui soit assez résiliente ? »

Marcus Walker et Charles Forelle

Notes du traducteur

(1) La réforme du code du travail est la clé de l’embauche en Europe. Tant que le patronat ne pourra pas licencier sans aucune contrainte juridique, la création d’emplois se limitera à quelques emplois à durée déterminée que nos syndicats veulent surtaxer. Ce sont les syndicats qui sont responsables du chômage en Europe. Le récent accord conclu par le gouvernement français est un coup d’épée dans l’eau.

(2) Mario Draghi a copié Ben Bernanke. La B.C.E. se substitue au marché défaillant. C’est un simple transfert de dettes pourries que le contribuable européen devra régler un jour, soit à travers une hausse des taux d’intérêt, soit avec une inflation plus élevée. La zone euro n’est plus un parangon de vertu.

(3) L’Europe a choisi la thérapie douce qui va se traduire par des années de stagnation et de misère. La thérapie de choc que nous préconisons aurait l’avantage de rassurer les marchés sur notre détermination et surtout de renouer avec la croissance qui permettrait un désendettement rapide. Conclusion : ne vous plaignez pas, car vous avez choisi librement votre malheur en votant socialiste !

(4) Les optimistes sont nos indécrottables keynésiens.

(5) Comme nous ne cessons de le marteler, ce n’est pas l’harmonisation par le haut qui permettra la guérison de l’Europe, mais la compétition des systèmes fiscaux. Nous en avons la preuve aujourd’hui avec l’exil de Gérard Depardieu en Russie, qui a adopté la flat tax de 13%, alors que l’Amérique d’Obama veut nous copier avec des impôts plus élevés pour les ménages.

(6) Tout dépend de Berlin. Angela Merkel n’est pas éternelle. Un autre chancelier pourrait être élu avec un programme de sortie de l’euro. Cette semaine, la Bundesbank a annoncé le rapatriement de 600 tonnes d’or stockées en Amérique. Cette décision est très importante car elle signifie que les Allemands ne font plus confiance aux Américains dans leur volonté de réduire leur dette publique. Alors que notre ami Charles Gave s’interrogeait, la semaine dernière, sur les maigres possibilités de placement, l’or pourrait être in fine le meilleur en 2013. Quand les deux présidents des deux plus importantes banques centrales ont choisi délibérément de racheter à tour de bras des dettes que le marché ne veut plus prendre, il y a en effet de quoi s’inquiéter.


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