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9/11/11 Wall Street Journal
            En Europe, l’Etat-providence vient de
                             heurter l’iceberg !  

De la Grèce à l'Italie en passant par la France, l'État-providence est en crise.

Dans la crise économique européenne, tous les chemins mènent à Rome. Les marchés ont augmenté le prix du financement de la dette colossale de l'Italie et Silvio Berlusconi est le deuxième Premier ministre, après George Papandreou en Grèce, à démissionner. Son départ peut maintenir provisoirement la solvabilité de la huitième plus grande économie du monde mais il ne traite en rien la racine du problème.

En Italie, comme en Grèce, en Espagne, au Portugal et en France, l'État-providence vient de heurter l’iceberg. Les gouvernements successifs sur le continent européen, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont financé des droits généreux avec des taxes élevées et des montagnes de dette. Leurs économies ont échoué à croître aussi rapidement que la dette et, depuis l'année dernière, l'argent a commencé à s'épuiser. La sanction vient de tomber.

Si la première étape dans la guérison d’un drogué est de reconnaître sa dépendance, il y a peu de signes que cela soit le cas des Européens. Les solutions proposées consistent à dépenser davantage, à avoir les Allemands à leur disposition pour renflouer tout le monde, ou à abandonner l'euro pour les pays en faillite afin de pouvoir dévaluer leur monnaie. (1) Le dernier plan de « rigueur » de la France consiste à taxer davantage les entreprises, les plus-values de capitaux et à augmenter encore la T.V.A.

Pourtant le problème de l'Europe n'est pas l'euro. S'il l'était, la Hongrie, l'Islande et la Lettonie qui n’appartiennent pas à la zone euro auraient été épargnées par la crise. La même chose vaut pour la Grande-Bretagne. L'Europe est entrée dans une spirale d'endettement provoquée par des dépenses démesurées et par des gouvernements incapables.

C'est une crise de l'État- providence dont l'Italie est le modèle. Mario Monti, qui est pressenti pour diriger un nouveau gouvernement composé de technocrates, a décrit, dans le passé, l'économie italienne comme un cas « d’auto-strangulation ». La dette publique est de 120% du P.I.B., faisant de ce pays le troisième emprunteur mondial après les États-Unis et le Japon. La dernière fois que la croissance de son économie a dépassé 2%c’était avant 2000.

Un vieillissement et une diminution de la population est un symptôme, mais pas une cause principale de « l'euro-sclérose ». Un cinquième de la population de l’Italie a plus de 65 ans. Cela pèse sur le financement des retraites et de la sécurité sociale. La Turquie, qui enregistre une croissance rapide, a seulement 6,3% de sa population au-dessus de 65 ans. Les femmes italiennes ont en moyenne 1,2 enfants ; ce qui place le taux de natalité de ce pays au 207ème rang mondial sur 221 pays.

Mais le gros de la responsabilité incombe aux politiciens. M. Berlusconi, l'homme le plus riche d'Italie, a promis la « rupture » à chaque fois qu'il a mené campagne en 1994, en 1996, en 2001, en 2006 et en 2008. Il a été le Premier ministre le plus longtemps en exercice depuis l'après-guerre en Italie entre 2001 et 2006. Il contrôlait le parlement et pouvait engager des réformes structurelles mais il ne le fit pas. (2) Les promesses de baisser les impôts et de démanteler les privilèges de puissantes corporations comme celles des chauffeurs de taxi, des pharmaciens ou encore des journalistes, n’ont pas été tenues.

«Il n'est pas difficile de gouverner l'Italie », disait Benito Mussolini avant d’ajouter que « cela est inutile. » La « concertazione », une politique de coalition qui rassemble de nombreux partis du Parlement, se traduit par des gouvernements instables et indécis. Il faut y ajouter la peur, dans de nombreux pays européens, que toute réforme sérieuse provoque des manifestations de rue. Un sous-produit malheureux de l’État-providence est qu'il crée de puissants intérêts qui luttent à mort pour préserver leurs privilèges, quel que soit le coût pour le pays. (3)

Mais maintenant les choix difficiles ne peuvent plus être reportés. Et la solution à la crise de la dette de l'Europe doit commencer par réformer, sinon démanteler l'État-providence. L'Europe est passée de la résurrection économique dans les années 1960, à la vague Reagan-Thatcher pour une croissance plus modeste dans les années 1980 à 1990, mais elle peut croître encore si elle le désire. Une décennie en arrière, l'Allemagne était le «malade de l'Europe » (4). Mais une coalition de centre-gauche, soutenue par les syndicats et la société allemande, a refondu les codes du travail et de la sécurité sociale et préparé le terrain pour le courant actuel (même s'il est reste modeste) d’un modèle économique tiré par les exportations.

Le chemin de Rome peut désormais conduire à présent à Paris, à Madrid et à d'autres pays européens surendettés. Mais les Américains devraient s’abstenir de glousser parce que ce mène chemin mène aussi à Sacramento (5), à Albany et à Washington. La dette fédérale américaine qui était de 35,7% du PIB en 2007, est passée à 61,3% l'année dernière. Elle est sur la même trajectoire que celle de l’Italie. La leçon de l'Italie, et de la plupart des pays européens, est de ne jamais devenir un État-providence marqué par une taxation élevée et par une croissance atone. La sanction inévitable est toujours longue et douloureuse.

Notes du traducteur :

(1) Le programme économique du Front National est fondé sur une dévaluation du franc après la sortie de l’euro. C’est un contre-sens. La compétitivité de la France est plombée par son coût du travail unitaire et non par l’euro. Il faut engager des réformes structurelles (démantèlement de la sécurité sociale et du code de travail) pour renouer avec une croissance forte.
(2) Le président de la République française avait aussi en 2007 une majorité parlementaire pour mener la « rupture » promise dans sa campagne, mais il a préféré « l’ouverture » au socialisme.
(3) Les grévistes de la S.N.C.F. ont fait plier le gouvernement du Premier ministre Juppé en décembre 1995 afin de conserver leurs « droits acquis » depuis 1945.
(4) C’est oublié par beaucoup de monde, l’Allemagne était plombée par le coût pharaonique des 17 millions de pauvres de l’ex D.D.R (Deutsche Demokratische Republik).
(5) Sacramento est la capitale de la Californie, en faillite à cause des syndicats puissants de fonctionnaires qui défendent bec et ongles leurs privilèges exorbitants. Le salaire médian annuel d’un instituteur en Californie s’élève à 67 932 dollars en 2011, celui d’un pompier à plus de 100 000 dollars et, cerise sur le gâteau, celui du chef des pompiers à plus de 200 000 dollars. En 2006, Randy Ulibarri, le chef des pompiers de la ville de Fremont (214 000 habitants) a gagné 220 256 dollars. Il était plus payé pour ce boulot que le président George Bush (200 000 dollars).

 

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