www.claudereichman.com


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme

A la une

31/12/12 Wall Street Journal
La décision du Conseil constitutionnel ouvre la voie
                      de la servitude en France !

Deux-cent vingt ans plus tard, la révolution française apporte quelque chose d’autre à l'humanité qu'un mauvais souvenir d'une sanglante passion idéologique. Dans une décision dont l’argumentation se réfère à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (1), la cour constitutionnelle française a invalidé, ce samedi, la nouvelle tranche d'imposition à 75% sur le revenu des personnes physiques au motif que celle-ci est injuste.

Le taux de 75% sur les revenus de plus d’un million d’euros est la proposition économique phare du président socialiste François Hollande. L'opposition a contesté sa légalité au motif qu'elle est «confiscatoire». Que celle-ci soit exorbitante semble évident, mais la cour française a dit qu'elle n'a pas eu besoin de reconnaître le caractère confiscatoire de l’impôt en question. Elle a dit qu’elle ne répond pas à une exigence minimale d’équité.

Plus précisément, la Cour a considéré que l’impôt ne prend pas en considération les besoins et les revenus de toute une famille, par opposition à ceux d'un revenu individuel, et qu’ainsi l’impôt «a violé l'obligation de prendre en compte la capacité de payer » et «a enfreint le principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques.»

En d'autres termes, un ménage avec deux personnes qui gagne un peu moins d’un million d’euros ne serait pas soumis à l'impôt, tandis qu'une personne seule gagnant un euro supplémentaire à cette limite aurait à le payer. Ainsi, il est juste de prendre 75% des revenus, mais injuste que la loi confisque 75% de tous les revenus sans prendre en considération le nombre de personnes concernées. On en vient à penser que ce genre de nivellement social et économique était la raison même de la Révolution française.

Hélas, il n’y a pas de têtes de membres du gouvernement qui soient susceptibles de tomber après cet arrêt que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a rapidement rejeté comme un simple désagrément sur la route de la « vraie équité fiscale ». (2) Il a dit que le gouvernement ne fera que changer quelques détails pour se conformer à la décision, et que la «contribution exceptionnelle», dénomination du taux de 75%, n’est pas remise en cause.

En fin de compte, la décision du tribunal peut simplement vouloir dire que le taux de 75% s'appliquera à davantage de citoyens français que les quinze cents initialement visés par cet impôt. Ou du moins aux citoyens qui décident de rester en France, car contrairement à un Américain, un Français peut échapper à la guillotine fiscale en sortant du pays. Gérard Depardieu s’est déjà déplacé au-delà de la frontière belge, et l'acteur a dit que la décision du tribunal ne change rien à sa situation.

La vraie révolution devra attendre le moment où les Français comprendront qu’il n'y aura jamais assez de riches voulant rester en France pour financer leur moderne Etat-Providence. (3)

Wall Street Journal

Notes du traducteur

(1) Le prêtre Joseph Emmanuel Sieyès (1748-1836) est le grand oublié de la décision du Conseil constitutionnel. C'est lui qui eut l'idée de diviser les Français en deux catégories : les Français actifs étaient ceux qui participaient à la vie politique (droit de vote) car ils s'acquittaient d'un impôt sur le revenu équivalent à trois jours de salaire. Les Français inactifs étaient ceux qui ne payaient pas d'impôt. 50% des Français devraient être exclus de la vie politique en raison de ce fondement établi par Sieyès : la capacité économique des citoyens justifie leur capacité politique. Si les sages du Conseil constitutionnel se réfèrent souvent dans leurs décisions à la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, ils oublient de signaler que la première constitution du 3 septembre 1791 avait repris l’idée de Sieyès et décidé que seuls les citoyens payant un impôt équivalent à trois jours de salaire disposaient du droit de vote. Quand on veut se référer à la Révolution, on ne choisit pas ce qui plaît et on n'écarte pas ce qui déplaît. La révolution est un bloc qui est à prendre ou à laisser. La cohérence échappe aux sages dans leur décision biaisée.

(2) Hormis deux articles de la loi de finances qu'il a censurés, le Conseil constitutionnel a validé la route de la servitude fiscale en France. Nous ne voyons pas comment les finances publiques pourront être restaurées avec une telle hausse généralisée des impôts et des taxes.

(3) En signant l’Acte Unique en 1992, qui instaurait un marché unifié en Europe, la France jacobine se tira une balle dans le pied. De plus, elle n’a jamais compris la portée de la disparition du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, qui, mettant fin à l’utopie de l’économie planifiée, ouvrait tout naturellement la voie à la mondialisation de l’économie de marché. Il n’y a plus qu’attendre que la gangrène socialiste emporte le grand malade de l'Europe.


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme